Surveillant dans le service des aliénés de Bicêtre, Jean-Baptiste Pussin était entré à l'origine dans cet hôpital en 1771 pour soigner une adénite tuberculeuse. L'ancien tanneur restera finalement vingt-quatre ans à Bicêtre puisqu'après avoir obtenu son certificat d' « incurable », la direction de l'hôpital lui proposa de rester dans la section des « bons pauvres » et de l'employer. D'abord comme garçon de salle puis comme portier de l'hospice et, enfin, en 1782 comme surveillant dans le service des malades mentaux incurables (la loge des aliénés agités).
En finir avec la coutume « barbare » de la chaîne pour les aliénés
Tout au long de ces années, Pussin s'est fait remarquer pour son dévouement et, surtout, sa grande humanité, notamment avec les enfants malades, qui contraste avec son imposante carrure et son caractère parfois autoritaire qui le met parfois en porte-à-faux avec sa hiérarchie. Le 25 juin 1785, Pussin est promu « gouverneur des fous » et travaille, entre autres, auprès du médecin militaire Jean Colombier, inspecteur de l'hôpital. Un humaniste, comme lui, qui lui fera l'honneur d'être son témoin de mariage l'année suivante. Avec sa femme, Marguerite, qui travaille à ses côtés, le « chef de la police intérieure des loges, gouverneur des sous-employés » ne va alors avoir de cesse que de faire supprimer la coutume barbare de la chaîne pour les aliénés.
Pussin va donc chercher à « amadouer » les aliénés dont il a la charge par un système de punitions/récompenses, de bons malades/mauvais malades. Il consigne ses notes, observations et remarques dans des carnets et cahiers sur lesquels Philippe Pinel, le précurseur de la psychiatrie française, va s'appuyer en prenant ses fonctions de médecin des aliénés à Bicêtre en 1793, sur la proposition de Cabanis.
Pinel va bientôt comprendre que ce surveillant hors du commun qu'est Pussin a beaucoup à lui apprendre. Il tient donc un « rôle d'observateur prudent laissant à son surveillant les initiatives thérapeutiques et administratives les plus nombreuses ».
Le médecin-chef de Bicêtre écrit ainsi : « Les visites fréquentes parfois pendant plusieurs heures par jour, m'aidèrent à me familiariser avec les déviations, les vociférations et extravagances des plus violents parmi les maniaques. Sur ce point, j'ai renouvelé les entretiens avec l'homme le plus qualifié à comprendre leur condition antérieure et idées délirantes; lorsqu'il le fallait il n'y avait pas d'objections de ma part lorsqu'il me disait quelque chose dont je doutais à renouveler mon examen afin d'éclairer ou de rectifier mon opinion. »
Lorsque Pinel, en 1795, fut muté à la Salpêtrière, il demanda à ce que Pussin le suive, afin de pouvoir continuer à bénéficier des services de « police intérieure » de ce dernier ; après plusieurs années d'attente, et grâce à l'influence du ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal, cela lui est enfin accordé en 1802. Là, Pussin continue son travail « humain » et peut-être considéré au même titre que Pinel comme un grand artisan de la réforme asilaire et de l'enlèvement des chaînes aux aliénés par la loi du 4 prairial de l'an VI.
Rendant hommage à sa mémoire, le préfet de la Seine, Eugène Poubelle dévoila sur un mur de Bicêtre une plaque à la mémoire de Jean-Baptiste Pussin, ancien surveillant à Bicêtre et à La Salpétrière le 3 août 1887.
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