du lundi au vendredi de 6h38 à 6h43 Durée moyenne : 4 minutes
Giacomo Todeschini : Au pays des sans-nom. Gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen Âge à l’époque moderne (Verdier) / Revue Schnock N°14 Dossier Jacques Dutronc (La Tengo Editions)
Plus qu’une généalogie de l’infamie, l’enquête très fouillée de Giacomo Todeschini apparaît comme une véritable archéologie du savoir infamant, qui repère, classe, marque et exclut socialement tous ceux dont le témoignage devant les tribunaux, par exemple, était réputé peu digne de foi, ou auxquels on pouvait appliquer la torture du fait de la faible crédibilité de leur parole spontanée. Tout un corpus de textes théologiques et juridiques est mobilisé et exploité par l’auteur pour faire émerger la vaste et diverse population des « sans-nom », ceux que Michel Foucault avait appelé les « hommes infâmes » dans un article conçu en prélude à un livre demeuré à l’état de projet, mais qui a ouvert la voie à de nombreux historiens. Dans sa préface, Patrick Boucheron souligne le caractère toujours actif de ces « logiques lexicales » et des représentations qui les sous-tendent, présentant le livre comme une « histoire de l’insécurité identitaire suscitée par la peur de l’infamie ». De nombreuses fonctions sociales, ou métiers comme celui de chirurgien ou de boulanger se sont depuis lors détachés du lot des professions déshonorantes, mais les mécanismes dévastateurs de l’identité personnelle, ce que Robert Castel appelait la « propriété de soi », ont perduré : qu’il suffise d’évoquer la considération sociale dont bénéficient de nos jours les « étrangers », un terme hérissé de discriminations latentes ou déclarées qui, tout comme au Moyen Âge, ne désigne pas seulement celui qui est né ailleurs mais surtout celui dont on ignore d’où il vient.
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