Similia similibus curantur : les semblables se guérissent par les semblables, autrement dit le mal fait passer le mal. Cette devise de l’homéopathie sous-tend une méthode oubliée que certains s’efforcent de remettre en vogue. Dans la lignée de Freud (jouant ainsi la peste contre le choléra quand il suggérait de traiter les addictions aux opiacés ou à l’alcool… en recourant à la cocaïne !) ou des Amérindiens qui préconisaient l’usage du peyotl (un cactus contenant des substances psychotropes et enthéogènes[1] comme la mescaline) contre la dépendance à l’alcool, certains psychiatres ont proposé de rétablir la sobriété en déclenchant une « expérience psychotique contrôlée » induite par un produit plutôt inattendu dans un rôle présumé thérapeutique, le diéthylamide de l’acide lysergique, plus connu sous le nom de LSD !
Cette idée d’enrôler de telles substances comme « auxiliaires » dans les thérapies contre les addictions à l’alcool ou à d’autres drogues est approfondie dans les années 1950 et 1960 quand deux psychiatres exerçant au Weyburn Mental Hospital (Saskatchewan, Canada), Abram Hoffer et Humphry Osmond (le créateur du mot « psychédélique », célèbre notamment dans le domaine artistique, musical, et de la contre-culture des années 1960) imaginèrent de susciter une « expérience mystique et spirituelle » provoquée par le LSD pour augmenter l’efficacité des traitements contre la dépendance à l’alcool. Cette thérapie à « composante psychédélique » aurait permis en particulier au fondateur des Alcooliques Anonymes (outre Atlantique) de vaincre sa sujétion à l’alcool.
Mais ces tentatives pour jouer Charybde contre Scylla, le LSD contre l’alcool, ont cessé pour des « raisons socio-politiques » devant l’extension de la toxicomanie où l’usage dit « récréatif » des drogues entraînait des problèmes entravant l’étude d’un éventuel effet thérapeutique. Toutefois, cette piste est à nouveau explorée avec d’autres « auxiliaires » que le LSD, des produits venus de la tradition chamaniste (psilocybine, ibogaïne[2] et ayahuasca[3]) ou de synthèse (kétamine) : réalisée en Russie, une étude contrôlée versus placebo a montré ainsi que la kétamine permet d’obtenir une « abstinence totale » (à l’alcool et aux opiacés) pendant plus d’un an chez les 2/3 des sujets sous kétamine, contre 24 % des sujets sous placebo. D’autres essais de ce type se poursuivent, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, et au Canada.
Les auteurs reconnaissent l’existence d’objections théoriques et pratiques à cette démarche paradoxale, surtout le risque évident de remplacer une dépendance préalable à une drogue ou à l’alcool par une dépendance iatrogène à un autre produit psychodysleptique. Mais, remarquent-ils, ce risque n’existe-t-il pas déjà avec nombre de médicaments psychotropes que les toxicomanes peuvent dévoyer de leur usage thérapeutique ?
[1]http://fr.wikipedia.org/wiki/Enth%C3%A9og%C3%A8ne
[2]http://fr.wikipedia.org/wiki/Iboga%C3%AFne
[3]http://fr.wikipedia.org/wiki/Ayahuasca
[2]http://fr.wikipedia.org/wiki/Iboga%C3%AFne
[3]http://fr.wikipedia.org/wiki/Ayahuasca
Dr Alain Cohen
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