Art
Au XVIe siècle, l’eau est rare dans les logements et considérée commeporteuse de maladie. La femme aux bains de la tapisserie d’un « Épisode de la vie seigneuriale » est debout dans sa baignoire en pleine nature, entourée de servantes. Loin de la notion de toilette, elle représente un idéal de beauté, symbole d’amour et de fécondité.
Au XVIIe, la toilette est « sèche », réservée à quelques parties du corps. On se frictionne, s’habille, s’apprête dans sa chambre, devant sa table, en présence de visiteurs. Le linge est censé protéger, des puces pour la servante de Georges de La Tour.
Au XVIIIe, la distribution d’eau se banalise, ainsi que l’usage du bidet et du pédiluve. Une partie de la toilette devient donc privée. FrançoisBoucher se fait le champion du libertinage dans les tableaux pour le financier Randon de Boisset. Deux tableaux de dames qui accompagnent un enfant et jouent avec un chien en dissimulent deux autres, la même femme se relevant d’une chaise percée et « pissant » dans un bourdalou. À la fin du siècle, le cabinet de toilette devient complètement privé, comme le confirme Madame de Genlis dans son « Dictionnaire des étiquettes » (1818). C’est la naissance de l’intime. Même les domestiques n’y ont plus leur place (« Fermez donc la porte,Justine ! », de Deveria).
Avec la généralisation de l’eau courante et le développement del’hygiénisme, les ablutions deviennent quotidiennes et les impressionnistes, Manet, Morisot et Degas, donnent à voir une nudité sensuelle. Nouveaux gestes autour du tub, soins des cheveux et sensation de bien-être. C’est la volupté de Marthe immergée dans sa baignoire, dans les fondus des couleurs de Bonnard.
Nouvelle vision avec le XXe siècle, la généralisation des salles de bains et l’arrivée des avant-gardes. Picasso, Léger, Julio Gonzales géométrisent les corps avec des couleurs vives. La forme prime sur le motif. Après la première guerre mondiale commencent la promotion des cosmétiques et le thème de la toilette n’est plus individualisé.
Pour les commissaires de l’exposition, dont Georges Vigarello, spécialiste des pratiques et des représentations du corps, c’est un« immense parcours, où l’intimité, d’abord limitée aux marges de l’habit, a construit, avec l’univers moderne, un espace instrumenté, spécifique, et des gestes particuliers, où cette même intimité, d’abord surprise par le regard étranger, a acquis suffisamment d’assurance pour mettre, aujourd’hui, ce même regard au défi ».
Caroline Chaine
Musée Marmottan Monet, du mardi au dimanche de 10 à 18 heures, le jeudi jusqu’à 21 heures. Jusqu’au 5 juillet. Tél. 01.44.96.50.33,www.marmottan.fr .
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