Portés par le slogan « On veut savoir », les 5e États généraux du LIEN, association de défense des patients contre les infections nosocomiales et accidents médicaux, sont placés sous le signe de la« transparence ».
« Nous lançons un appel à sonner le glas de l’omertà sur les chiffres de la mortalité liée aux accidents médicaux », a déclaré en introduction Béatrice Ceretti, présidente du LIEN et victime du drame de la clinique du sport dans les années 1990.
« Chaque année paraît un tableau de bord des infections nosocomiales. Nous devons obtenir sur l’ensemble des accidents médicaux ce que nous avons eu sur les infections nosocomiales : des indicateurs par service et une enquête nationale tous les 3 ans, recensant les causes, conséquences et la mortalité liée aux accidents médicaux », a-t-elle décliné. « La revue de morbi-mortalité ne doit pas être en option » dans chaque service de chaque hôpital et clinique, a-t-elle insisté.
Selon le LIEN, 30 000 à 40 000 patients meurent chaque année des suites d’accidents médicaux, mais les chiffres font défaut en France, qui doit se contenter d’extrapoler les résultats des études anglo-saxonnes. Et 9 000 à 10 000 décès par an seraient causés par les infections nosocomiales.
Jusqu’où publier les indicateurs ?
Alors que la tendance à l’ouverture des données semble bien amorcée, tous les orateurs se sont livrés à un plébiscite en règle de « l’open data »- d’aucuns mettant néanmoins quelques bémols.
« Ce sont les foireux qui ne veulent pas donner les chiffres ! Il faut couper les pattes des 5 % qui sont mauvais », a grondé le Pr Guy Vallancien, de l’Académie de médecine. Le chirurgien urologue est favorable à la publication totale des indicateurs. Les médecins les moins performants pourront se reformer et progresser. « La chirurgie française est bonne, il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières ! » assure-t-il. En échange, il demande la dépénalisation de l’erreur médicale (non de la faute), afin de retrouver la confiance entre le patient et le malade.
L’importance d’un climat serein, délesté des craintes des poursuites légales, a été aussi soulignée par le président de la Fédération hospitalière privée Lamine Gharbi. « Il faut de la transparence : avec 3 000 à 4 000 prothèses posées chaque année dans mon établissement, je peux dire le nombre exact d’infections nosocomiales par chirurgien. Mais il ne faut pas de sanction a priori », a-t-il expliqué. « Une clinique a été évaluée la semaine dernière dans le cadre de la certification. C’est une belle chose, cela rend hommage aux professionnels, sur le terrain. Mais cela posera aussi des difficultés, il faudra être bienveillant », a-t-il complété.
Phlébites et embolies pulmonaires
Le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Haute autorité de santé (HAS), a indiqué qu’une réflexion était en cours sur les indicateurs de sécurité du patient. En 2015 devrait commencer un recueil des phlébites et embolies pulmonaires après une opération de la hanche et du genou, et des travaux portent sur la construction d’indicateurs normalisés de la mortalité intrahospitalière et à 30 jours. « On ne peut pas comparer des services de chirurgies opérant des patients stables, et des services qui récupèrent les urgences », a-t-il précisé.
Mais il a également souligné les difficultés de l’exercice. « Rendre publics les indicateurs peut conduire à de mauvaises interprétations. Les établissements peuvent changer leurs pratiques, en accueillant moins les patients compliqués, en faisant sortir plus vite les patients en fin de vie, ou en sous-déclarant ». Seulement 15 % des établissements de santé sont informatisés, et les données du SNIIRAM, même couplées au PMSI, restent conçues à des fins financières, a ajouté le Pr Harousseau.« Nous ne voulons pas la publication des indicateurs pour la publication, mais pour la réflexion, comme outils de prise en charge », a-t-il expliqué.
Si elle reste une avancée, la publication totale des indicateurs ne fera néanmoins pas de miracle. « Il est important de repérer les médecins qui ne sont pas au niveau. Mais le reste des problèmes tient à l’équipe (qui concentre 50 % du risque, contre 15 % pour le médecin), et plus encore à l’ambition que l’on donne à la médecine », notamment face au vieillissement de la population, a indiqué René Amalberti, directeur scientifique de la prévention médicale, à la MACSF.
La ministre de la Santé Marisol Touraine devrait clore ces États généraux ce soir.
Coline Garré
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