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dimanche 15 septembre 2013

"Le latin peut l'aider à se structurer"...

A l'affût de tout ce qui bouge, de l'école à la fac, par Véronique Soulé, journaliste à Libération.

"Le latin peut l'aider à se structurer"...

Février 2013 053
Jean-Baptiste Alméras, libraire parisien, a eu une super idée: publier, sans commentaire, les appréciations portées sur ses bulletins scolaires de la maternelle jusqu'en terminale. Le récit d'une incompréhension de 15 ans entre un élève qui s'ennuie à l'école et des profs qui lui demandent "efforts" et "régularité"
"Aime beaucoup à s'amuser", "Il est déjà en classe de neige !", "Sensible mais véritablegirouette""Peut mieux faire, très dispersé", "J.B. est presque sage !""S'amuse à nouveau. Infantile", "Oublie souvent son cahier. Ne fait rien. Un peu fantaisiste", "Attention ! On attend mieux"... 
Jean-Baptiste Alméras - "Enfant généralement de bonne humeur, gai, très bavard. Rarement en pleurs", en dernière année de maternelle - n'apparaît pas vraiment comme un cancre. Plutôt un élève très moyen, dissipé, habitué des fonds de classe. Il passe ric-rac chaque année car il a "des capacités" (le fameux "peut mieux faire"), jusqu'en troisième où il redouble. Puis en terminale il décroche, passe son *bac en candidat libre et le rate.
Il semble avoir subi sa scolarité - débutée à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) et achevée à Sèvres (Hauts-de-Seine)-, un peu comme l'on prend son mal en patience. De classe en classe, les enseignants l'appellent à "se ressaisir", à "s'accrocher", " à persévérer", "à donner plus de lui-même".
Son cas n'a pas l'air franchement désespéré. Des profs évoquent de temps à autre  "un ensemble honnête", "correct", "convenable". Ils signalent même parfois, mais c'est rare, "des progrès en construction", "des progrès nets au niveau de l'écrit", voire de "gros progrès... sauf en conduite".
Mais il y a un hic: Jean-Baptiste est "agité", "dispersé", "étourdi", "bavard""taquin", "brouillon"... En CM1, "il gêne considérablement ses camarades". Même en grandissant, il n'arrive pas à rester concentré bien longtemps - à cause de sa "tendance au divertissement", note un prof de 4ème. En plus, il fait ses devoirs par dessus la jambe. Et encore, quand il veut bien les faire et quand il les termine ...
Bref, J.B. ne semble guère aimer l'école ni s'y épanouir. Mais cela, personne ne le lui demande. On le déduit de la litanie d'appréciations où les mêmes remarques reviennent toujours, qui dessinent un portrait en creux de l'élève.
Le petit ouvrage en dit presqu'autant sur les enseignants eux-mêmes à travers leurs attentes. Les professeurs, souvent eux-mêmes d'anciens bons élèves, rêvent d'élèves studieux à leur image. Ils attendent alors de J.B.  "un travail régulier", "des efforts soutenus", "un approfondissement"...
Jean-Baptiste Alméras a été libraire pendant près de 20 ans, notamment à L'arbre à lettres à Paris, près de la place de la République (et près de Libé). Dans une interview, il raconte avoir contracté la passion des livres lorqu'il était objecteur de conscience afin d'éviter le service militaire: il avait été placé dans une bibliothèque.
"Pour souffler un peu", écrit son éditeur à la fin du livre, il se consacre désormais à son groupe de rock - libraire, il a créé un prix du livre de rock - , à la sculpture et au dessin, ainsi qu'à une monographie raisonnée de la peintre Charlotte Gardelle.
Il n'a jamais eu le bac. Mais cela ne l'a pas empêché d'aimer les livres.
Un coup de chapeau, enfin, à sa mère qui a soigneusement gardé tous les bulletins scolaires de son fils. "Bravo pour la persévérance". "Des efforts récompensés".
"Peut mieux faire, mon enfance vue par l'éducation nationale", Jean-Baptiste Alméras, ed. Attila, 2013, 4 euros. 




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