La pétition qu'il a lancée le 25 août, "Pour un débat public sur la santé", ne contredit pas son image de bretteur médiatique. Habitué des plateaux télévisés et radio, le professeur André Grimaldi, diabétologue, y ferraille de longue date pour défendre l'accès aux soins pour tous. "J'ai découvert la seule arme efficace pour faire réagir nos gouvernants : les médias", avoue-t-il dans son livre La Santé écartelée (Dialogues, 224 p., 16,90 euros).
Avec cet appel publié dans Le Parisien, l'ancien chef de service de diabétologie de La Pitié-Salpétrière réussit un exploit : rassembler les signatures de plus de 2 000 personnalités, politiques de tout bord et chercheurs de toutes disciplines - mais aussi, pêle-mêle, médecins "purs et durs" du service public ou connus pour leur activité libérale forcenée. Un "mariage de la carpe et du lapin", pour certains.
"André Grimaldi est un remarquable clinicien : c'est ce qui détermine son combat, et sa position permanente d'avocat des patients, relève Arnaud Basdevant, professeur d'endocrinologie, son voisin à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. C'est aussi ce qui explique sa crédibilité d'homme de terrain, au-delà des clivages habituels." "Il fait partie de ces médecins "moines-soldats" de l'hôpital public", renchérit Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France.
SA MODERNISATION DE LA PITIÉ-SALPÉTRIÈRE, UNE RÉVOLUTION
Le service public est pour André Grimaldi une culture familiale : "Mon grand-père était cheminot et mon père postier", confie le diabétologue. Il a quelque chose de l'homme pressé : ce mouvement qui l'emporte, cette vivacité d'esprit, ce phrasé précipité. Une singulière énergie, à 69 ans, et des facultés d'indignation intactes. Il ne se prive pas à l'occasion d'étriller les journalistes de la presse médicale : "Vous faites le jeu de l'industrie pharmaceutique !" Il sait aussi s'adoucir, parler avec chaleur de ce métier qui l'habite : la diabétologie.
Quand il se lance dans cette spécialité, il découvre, à la Pitié, un service "à la traîne" et décide, en 1989, de le moderniser. Met en place une médecine ambulatoire. Crée les premières "unités fonctionnelles", organisées par thème (pompes à insuline, pied diabétique...) autour du patient et non plus du médecin. C'est une révolution. Il sera l'un des pionniers du développement de l'éducation thérapeutique. Il lui faudra plus de dix ans pour réussir cette modernisation : "Une course de fond en solitaire au début, puis heureusement en équipe."
Mais avant cela, il y a eu mai 1968 : le début du militantisme, pour André Grimaldi. Il y entrera par sa lutte contre "l'arbitraire assumé" que représentait l'oral de l'internat - supprimé en 1968. Il militera dix ans au sein de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). "J'ai quitté ce mouvement en perdant mes illusions sur la société d'abondance, qui donnerait "à chacun selon ses besoins". Aujourd'hui, je suis convaincu que la régulation de notre système de soins est légitime. Reste à discuter de ses modalités."
Si tous ne partagent pas - loin s'en faut - ses combats politiques, nul ne doute de sa sincérité. "C'est un homme généreux, très sensible aux inégalités, attentif au respect d'un fonctionnement démocratique, atteste un collègue proche. C'est dans son besoin permanent de se référer à l'histoire qu'il puise sa philosophie de la pratique médicale, bien au-delà de la seule technique." " On s'imagine bien malade avec lui, avec toute l'empathie qu'il peut avoir, note Gérard Vincent. On me dit parfois : "C'est un gauchiste utopique !" Je réponds qu'il est animé par le sens de l'intérêt du patient. Certains sont dans le public sans en avoir l'éthique, pas lui."
"IL MÈNE UN COMBAT D'UNE GRANDE GÉNÉROSITÉ"
L'objectif de sa pétition ? Susciter un "vrai débat démocratique, qui se conclurait par un vote au Parlement" sur l'avenir de l'Assurance-maladie. Celle-ci serait "menacée de privatisation rampante", du fait de la place croissante des complémentaires santé dans le remboursement des soins."Son combat mérite d'être affiné, nuance Gérard Vincent. Il ne faut pas mettre dans le même sac les mutuelles, qui ont une éthique, et les assureurs privés, qui veulent maximiser leurs profits - au risque de sortir d'un système solidaire."
"Il mène un combat d'une grande générosité, mais sa vision du système de santé est plus théorique que pragmatique, juge Jean-Martin Cohen Solal, délégué général de la Mutualité française. Que la Sécurité sociale rembourse tout à 100 %, tout le monde peut le souhaiter. Mais c'est hors de la réalité. En stigmatisant les mutuelles, il se trompe d'objectif. Les personnes qui n'en ont pas renoncent aux soins." A quoi André Grimaldi répond : "Les mutuelles se comportent de plus en plus comme des assurances privées."
"Il poursuit l'idée, irréaliste, d'un complot pour la privatisation du système de santé, indique Claude Le Pen, économiste de la santé à l'université Paris-Dauphine. C'est vrai que, depuis plusieurs années, les gouvernements développent une logique gestionnaire du système de soins. Mais cette gestion améliore la performance du système : c'est une alternative à la privatisation !" André Grimaldi a fait le diagnostic de ce qui n'allait pas dans l'hôpital public. "C'est un lanceur d'alerte, résume Arnaud Basdevant. Il exprime une conscience, sans jamais chercher à se placer." En 2009, le milieu médical assistait, léthargique, aux réformes de l'hôpital. "André Grimaldi a provoqué leur sursaut. Au fond, il rappelle aux médecins hospitaliers leur engagement fondamental vis-à-vis des patients."
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