Après la fin de vie dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) jette un éclairage inédit sur une réalité invisible : la fin de vie des personnes gravement handicapées, dans les établissements médico-sociaux.
Chaque jour, quatre personnes décèdent dans une maison d’accueil spécialisé (MAS) ou dans un Foyer d’accueil médicalisé (FAM), soit 1 400 décès par an en France. Grâce à l’augmentation de leur espérance de vie, elles sont les « nouvelles figures de la fin de vie » où au (poly)handicap se rajoutent les problèmes de l’âge. Pourtant, « on ne sait rien de cette question : elle n’est au cœur d’aucune politique de santé, elle n’a fait l’objet d’aucune étude rigoureuse, et rare sont les médias qui s’y intéressent », écrit le Pr Régis Aubry, président de l’observatoire, dans son préambule.
Pour bâtir ce rapport, l’ONFV a mené une étude entre le 1er mars et le 7 juin 2013 auprès d’un échantillon représentatif de 778 établissements (sur un ensemble de 1 280), répartis dans les 22 régions de France métropolitaine.
Premier constat, les FAM et les MAS sont réellement confrontés à des situations de fin de vie, davantage qu’on ne pourrait s’y attendre. En moyenne, chaque établissement accompagne un résident jusqu’à son décès chaque année, mais plus d’un établissement sur quatre enregistre au moins deux décès par an.
Méconnaissance de la fin de vie
Les professionnels ne se sont pas encore emparés de cette question et restent mal préparés, regrette l’ONFV. Par exemple, beaucoup de décès correspondent à des situations de fin de vie non anticipées alors qu’elles étaient prévisibles, mais restent considérés par les personnels comme des décès soudains. En outre, seulement 55 % des établissements abordent avec les proches la question de la fin de vie du résident, et rares sont ceux qui évoquent les directives anticipées.
Selon l’Observatoire, la formation des professionnels de santé est inégale selon les régions (17 % des établissements ont un infirmier spécialisé en soins palliatifs, contre 60 % en Alsace), mais aussi de façon plus systématique, entre les infirmiers et les médecins, moins bien formés. Seuls 18 % des établissements ont établi une convention avec une structure d’hospitalisation à domicile (HAD).
Pourtant, la présence de professionnels formés aux soins palliatifs a un impact décisif sur le maintien des résidents dans l’établissement (69 %vs 39 %), sur les liens avec les équipes mobiles, (20 % vs 6 %), sur l’accès des résidents aux antalgiques (40 % vs 18 %) ou encore sur la fréquence des décisions d’arrêt des traitements (25 % vs 12 %).
Comme pour les EHPAD, l’ONFV préconise fortement la présence d’un infirmier la nuit, effective dans seulement 16 % des établissements.
Disparités criantes entre régions
Le rapport fait état d’un gradient nord sud avec des écarts allant de 17 % à 45 % selon les régions en matière de prévalence du cancer chez les résidents décédés de façon non-soudaine. Autre fossé : en Auvergne, 15 % des résidents décèdent à l’hôpital, contre 61 % dans le Nord Pas de Calais et 80 % en Basse Normandie (pour une moyenne de 47 %).
En terme de prise en compte de la douleur, 16 % des résidents ont bénéficié d’antalgiques de palier 3 (type morphine) avant leur décès, enLorraine et en Poitou Charente, contre près de 50 % en Bretagne et en région PACA (pour une moyenne nationale de 31 %).
L’observatoire demande donc de faire de la fin de vie une priorité de la future politique nationale en matière d’accompagnement du handicap, en profitant notamment du comité interministériel du handicap (CIH) qui doit s’ouvrir le 25 septembre.
› COLINE GARRÉ
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