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dimanche 11 novembre 2012

Compte courant du sperme

26 octobre 2012

Il y a un pouvoir encore plus fort que celuique confère l’argent, la politique ou la célébrité. Une puissance face à laquelle on ne peut que plier, s’agenouiller, se tenir pour vaincu d’avance. Ce privilège est celui que les femmes ont acquis depuis quelques décennies sur la sexualité masculine. Et je ne fais pas allusion aux actes indélicats, voire brutaux, commis contre elles par des hommes et qui impliquent une responsabilité juridique, corollaire d’une faute de leur part. Je veux parler des situations dans lesquelles, même si un homme n’a pas commis la moindre faute, même s’il s’est montré doux, attentionné et s’est mis entièrement au service du plaisir d’une femme, celle-ci peut le contraindre par la voie judiciaire à devenir père de l’enfant qu’il a engendré.
Récemment, les médias ont dévoilé deux affaires qui nous ont rappelé l’ampleur de ce pouvoir : Rachida Dati, qui assigne le milliardaire Dominique Desseigne en reconnaissance de paternité, et une ancienne conquête de Jean-Luc Delarue, dont l’enfant âgé de 12 ans pourrait obtenir un tiers de sa succulente succession. On dira qu’il est dégueulasse qu’une société qui a donné aux femmes le pouvoir de décider librement de la maternité (contraceptifs, avortement, accouchement sous X) oblige les hommes à devenir pères des enfants qu’ils ont conçus parfois par une imprudence ou un simple accident.
Même si une femme s’empare du sperme d’un homme à l’insu de celui-ci ou contre son gré, la paternité sera malgré tout attribué à l’homme.
Aux Etats-Unis, au début des années 90, deux affaires ont montré que ces situations sont loin de relever d’une imagination débridée. Dans la première, une nounou, qui avait violé un mineur, fut condamnée à une peine de prison mais réussit à obtenir de la justice qu’elle déclare le jeune violé père de l’enfant conçu dans le crime. Dans l’autre affaire, une femme avait volé le préservatif que l’homme à qui elle avait fait une fellation avait jeté à la poubelle. Après une insémination manuelle, elle se retrouva enceinte et le propriétaire du préservatif fut juridiquement déclaré père de l’enfant. Si de semblables cas se présentaient devant la justice française, il est vraisemblable qu’elle les résoudrait de la même manière.
Si les paternités forcées nous semblent si injustes, ce n’est pas seulement pour les effets économiques qu’elles entraînent, mais aussi pour les conséquences psychiques et sociales. Etre père est une responsabilité très lourde et aussi bien votre entourage que le public vous considérera comme un salaud si jamais vous refusez de l’assumer. Pourtant, examiner les choses sous cet angle sans tenir compte des possibilités que nos sociétés fournissent aux hommes pour ne pas être confrontés à de telles situations serait une contre-vérité politique majeure. Depuis une dizaine d’années en France, le droit autorise les hommes à se faire stériliser. Ils déposent auparavant leur semence dans une banque de sperme, afin de devenir père quand ils le souhaitent.
Grâce à ce procédé largement utilisé depuis des décennies dans d’autres pays comme l’Allemagne et les Etats-Unis, la paternité devient non seulement un choix mais aussi un acte réfléchi et rationnel. Comme si le fait d’être acculés par un droit qui tient à quelques gouttes de sperme pouvait obliger les hommes à prendre leur destin en main d’une manière plus ferme que jamais. Comme si la paternité était quelque chose de si important qu’elle ne peut pas relever uniquement du choix des femmes.
Certains diront que c’est horrible et inquiétant. Que si jamais ces banques de sperme font faillite et perdent votre semence, vous ne pourrez pas ou plus devenir père biologique d’un enfant. Mais les banques sont plutôt sûres. Des accidents de ce type sont rarissimes. Et les dangers que les hommes encourent de cette manière équilibrent ceux des femmes qui avortent. Elles aussi font face au risque d’une stérilité à la suite d’une intervention chirurgicale malheureuse.
Certes, on ne fait pas campagne auprès des hommes pour qu’ils déposent leur sperme dans une banque comme on le fait auprès des filles pour qu’elles deviennent maîtresses de leur maternité. On préfère que les hommes soient coincés par les choix des femmes. Après tout, la société civile n’a qu’à s’organiser pour informer les garçons, les jeunes et les vieux, afin de promouvoir la libre paternité. Pour que chacun ait son sperme dans une banque, comme chacun a son compte à la Société générale, au Crédit agricole ou au Crédit Lyonnais. Pour que chaque mois, ils reçoivent les relevés de leur puissance procréative, de leurs actions, de leurs donations et de leurs intérêts.
C’est pourquoi ces femmes vénales qui assignent en justice leurs amants les plus fortunés, loin de causer des torts à la société, nous poussent à prendre conscience du fait qu’en France les lois permettent «déjà» aux hommes d’être pères s’ils le veulent et quand ils le veulent. Un rappel qui coûte cher aux milliardaires imprudents. Toutefois, qu’ils se consolent : loin d’être un argent mal dépensé, c’est de l’argent à penser.

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