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lundi 26 février 2024

Pourquoi ça marche Thomas Schlesser, le tour de l’art en 52 semaines

par Claire Devarrieux   publié le 17 février 2024 

De Botticelli à Soulages, un grand-père octogénaire fait engranger à sa petite-fille aux yeux malades un maximum de beauté.

La couverture des Yeux de Mona arbore une phrase flatteuse : «Le roman français qui a conquis le monde.» La formule plaira à certains et fera fuir les autres. Eh bien ceux qui se méfient ont tort. Le livre de Thomas Schlesser est une excellente initiation à l’histoire de l’art – c’est son domaine –, d’autant plus vivante qu’elle se transmet à travers deux personnages. Un grand-père octogénaire emmène Mona, sa petite-fille de 10 ans, au Louvre, à Orsay et à Beaubourg chaque mercredi pendant un an. De Botticelli à Soulages, il lui montre cinquante-deux chefs-d’œuvre, un par semaine. Ce sont autant de chapitres où l’approche du tableau, ou de la sculpture, s’accompagne des péripéties de la vie de l’enfant, en classe, dans la brocante de son père, et chez l’ophtalmologue. Il arrive à Mona de se retrouver dans le noir. Aveugle. Nul ne peut dire s’il s’agit d’un phénomène irréversible. Son grand-père lui fait donc engranger un maximum de beauté. Les 36 000 exemplaires du premier tirage des Yeux de Mona ont été suivis d’une réimpression à 50 000, indiquait Livres Hebdo le 7 février. La prestation de l’auteur à la Grande Librairie le 31 janvier a aidé. Le succès s’est amorcé l’an dernier à la Foire de Londres. Trente traductions sont en cours.

Comment entrer dans l’art ?

Quinze minutes devant Gainsborough, trente devant Pollock quelques mois plus tard, quarante devant Malevitch : Mona apprend à regarder. Une description de l’œuvre nous est donnée, suivie d’une leçon ou d’une discussion. Par exemple, l’idée qui se dégage de l’Esclave mourant de Michel-Ange est qu’«il faut s’affranchir de la matière, du monde concret et palpable». Des détails biographiques se mêlent à l’esthétique et à la technique. Caspar David Friedrich meurt dans l’indifférence générale en 1840 après une vie jonchée de deuils. Turner parcourt des kilomètres à pied par tous les temps. Le grand-père de Mona a ses têtes. Courbet lui plaît particulièrement. L’intelligence et l’humour de Julia Margaret Cameron, l’enchantent. L’enfant absorbe en douceur de grandes notions, la joie, la tragédie, le sublime.

Est-ce un vrai roman ?

L’art aidant à mieux comprendre la vie, l’héroïne commence à être sacrément altruiste et perspicace avec ses camarades. Un instant frôlé par l’aile vilaine de la mièvrerie, le lecteur se laisse ensuite emporter. L’existence de Mona contient un mystère : pourquoi ne parle-t-on jamais de sa grand-mère, morte sept ans auparavant ? Pourquoi la boutique paternelle, qui périclite, recèle-t-elle des trésors que personne n’a songé à sortir de leurs boîtes ? Ce sont des ressorts propres aux livres pour enfants mais il est entendu ici que les enfants et les adultes peuvent se comprendre.

Faut-il sécher le psy ?

Le grand-père ment aux parents de Mona. Il leur fait croire qu’il emmène la petite chez le pédopsychiatre tous les mercredis. Vu ses progrès en maturité, ils n’y voient que du feu et trouvent que vraiment, elle en tire profit. La morale est sauve, cependant. L’inconscient a bel et bien sa place dans l’histoire. L’ophtalmologue est hypnothérapeute. L’occasion de quelques séances mémorables et la mise en lumière d’un objet fétiche : le cérithe goumier monté sur un fil de pêche que Mona porte autour du cou.

Thomas Schlesser, les Yeux de Mona, Albin Michel, 486 pp. (ebook). Les 52 œuvres sont reproduites à l’intérieur de la jaquette dépliable.


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