par Charles Delouche-Bertolasi publié le 3 mai 2023
L’hexahydrocannabinol. Derrière ce nom à rallonge, un cousin du cannabis. Mais attention, rien de naturel dans cette herbe-là. Ce produit de synthèse aux effets psychoactifs semblables au tétrahydrocannabinol a pourtant depuis quelques mois rejoint les tisanes, bonbons zen et autres inventions chanvrées vendues dans les boutiques spécialisées de CBD. «Joint légal», alternative à la fumette qui surfe sur le marché florissant du CBD, le HHC bénéficie d’un flou juridique et reste pour l’instant en vente libre. Pour Nicolas Authier, médecin psychiatre au CHU de Clermont et spécialiste de l’usage médical de la plante, le HHC doit faire l’objet d’une réflexion de la part des autorités sanitaires. En attendant, il se vend comme des petits joints.
Comment obtient-on du HHC ?
Ça fait un peu plus d’un an qu’on a vu apparaître cette molécule. C’est une vieille substance ouvertement proposée en Europe, dont la France, par l’intermédiaire du marché du CBD. Ce cannabinoïde de synthèse est loin d’être nouveau : sa première synthèse date de 1940. C’est une opération facile à faire et peu coûteuse. On part de la molécule de CBD, le cannabidiol, et on réalise deux petites réactions chimiques simples en ajoutant de l’hydrogène ou en chauffant le CBD. On obtient entre autres du HHC, en passant par le delta-8 et le delta-11 THC. Mais la pureté du produit final n’est jamais assurée à 100 % lorsqu’une synthèse est réalisée.
Concrètement, que consomment les acheteurs de HHC ?
Après avoir synthétisé la molécule, on obtient alors une poudre, qu’on peut mettre dans une solution liquide aqueuse ou une huile, qu’on pulvérise ensuite sur des fleurs de CBD. En termes d’effet, le HHC prend largement le dessus sur le cannabidiol.
Le HHC est-il un cannabinoïde de synthèse comme un autre ?
Le HHC entre bien dans la famille des cannabinoïdes de synthèsecomme le Spice ou le Bouddha Blue, substances qui ont été classées de manière générique en mars 2017 par l’agence du médicament sous proposition de la commission des stupéfiants. Ce sont des produits parfois plus puissants que le THC, qui peuvent entraîner des effets somatiques cardiaques graves ou encore des crises de panique. Normalement ces nouveaux produits de synthèse du cannabis sont classés automatiquement, sans avoir besoin d’attendre qu’ils sortent sur le marché. Cela n’a pas été le cas pour le HHC, sur lequel l’agence du médicament va devoir se prononcer rapidement.
Comment expliquer l’essor de ce marché ?
Le HHC s’appuie principalement sur le CBD. C’est surtout l’explosion de ce marché qui a remis sur le devant de la scène la synthèse du HHC. Il y a tellement de fleurs de CBD en circulation que ça a dû paraître une évidence pour le marché de la drogue d’en proposer aux consommateurs. C’est bien plus une drogue de boutique qu’une drogue de rue. C’est le joint légal. Le véritable jointde substitution psychoactif. Car le CBD n’est pas vraiment efficace dans le traitement de la dépendance au cannabis.
Cette substance qui bénéficie d’un flou juridique est-elle dangereuse ?
Il n’y a pas encore eu d’alerte sanitaire à ce sujet. Mais si on veut être cohérent avec la politique des drogues actuelle en France, il serait assez pertinent que le HHC rejoigne le delta-9 tétrahydrocannabinol (THC) dans le classement des stupéfiants. S’il ne le rejoint pas, alors la question de l’illégalité du THC se posera. Entre HHC et THC, les effets sont quasi similaires et les deux substances agissent sur les mêmes récepteurs. Le HHC est bien plus psychoactif que le CBD qui n’est pas classé comme psychotrope, à l’image du THC.
Par ailleurs, le HHC comporte les mêmes effets indésirables potentiels que son cousin : neurocognitifs, neuropsychiatriques, des effets indésirables digestifs et cardiovasculaires. Ça va dépendre de la quantité consommée et de la vulnérabilité individuelle. Le jour où le HHC deviendra très consommé, on verra alors apparaître des complications proches de celles qu’on a aujourd’hui avec certains consommateurs de THC.
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