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lundi 29 mai 2023

Cauchemars : les nouvelles thérapies pour mieux les maîtriser

Par  et   Publié le 21 mars 2023

Ces mauvais rêves qui réveillent peuvent devenir envahissants et constituer une maladie. Des techniques se développent pour leur donner une issue positive, en en modifiant le récit grâce à l’imagerie mentale.

C’est l’histoire d’un voyage qui va très mal se terminer. Un jeune homme monte dans un avion, mais celui-ci n’a ni hublots ni cockpit. Il s’installe à l’arrière, mais ne parvient pas à attacher sa ceinture de sécurité. L’avion, dans lequel se trouvent aussi des membres de sa famille et sa petite amie, décolle en pleine ville, manque de s’écraser contre un bâtiment. Un désert est survolé, puis un camp d’entraînement du Paris Saint-Germain. Le jeune homme panique, glisse dans le vide, s’accroche à la carlingue, mais entraîne l’avion et les passagers dans sa chute. L’avion s’écrase. Le rêveur se réveille. Y a-t-il des morts ? Adrien de Stabenrath, qui nous a raconté ce songe, n’en sait rien. Ce rêve est l’un des nombreux cauchemars qui ont peuplé ses nuits pendant onze ans.

Alors que l’on s’imagine, une fois dans les bras de Morphée, faire de beaux rêves, il n’en est rien. « Deux tiers de nos rêves sont désagréables et nous en faisons tous », établit d’emblée Isabelle Arnulf, professeure de neurologie, cheffe du service des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Appelés aussi « rêves dysphoriques », ils peuvent nous laisser une sensation désagréable le matin. Mais ces mauvais rêves ont peut-être une fonction thérapeutique : ils nous permettraient de simuler des menaces pour mieux y faire face durant la journée, de reprendre les événements du quotidien, de les retravailler et de digérer nos souvenirs émotionnels négatifs.

Quand ce mauvais rêve nous réveille, c’est un cauchemar. Environ 35 % d’entre nous en font occasionnellement. Ils se manifestent pendant les phases de sommeil paradoxal, période durant laquelle l’activité cérébrale est proche de la phase d’éveil. Impossible cependant de les détecter lors d’une polysomnographie, un examen médical qui étudie l’architecture du sommeil en termes physiologiques.

Des répercussions nocturnes et diurnes

Dépourvu de signature biologique, le cauchemar fascine depuis des siècles, il a été scruté par la psychanalyse et l’est désormais par les neurosciences. Selon le modèle de Nielsen et Levin (2007), deux neuroscientifiques canadiens, les cauchemars seraient produits par une dysfonction du traitement exécutif et émotionnel (cortex préfrontal médian) pendant le sommeil paradoxal. « En cas d’expériences traumatisantes, d’adversité dans l’enfance… les émotions ne sont pas intégrées et réveillent le dormeur : il y a alors cauchemar et donc faillite du processus de régulation émotionnelle et de désensibilisation des émotions dysphoriques », explique Charlotte Chaumereuil, neuropsychologue à la Pitié-Salpêtrière. « Le cortex préfrontal, siège de la raison, et le cortex cingulaire antérieur, capteur des réactions corporelles de stress, de tension et d’angoisse, régulent l’activité de l’amygdale, explique Benjamin Putois, chercheur en sciences cognitives, dans son livre Manuel de guérison des cauchemars (Les Arènes, 2020). Les cauchemars apparaissent quand ces charges affectives sont trop élevées et que le cortex préfrontal ne fait pas ce travail de régulation. »

Lorsqu’ils restent occasionnels, ils sont sans conséquence sur le quotidien. En revanche, cauchemarder devient pathologique s’il s’agit de rêves répétés, extrêmement dysphoriques, comportant généralement des menaces vitales sur la sécurité ou l’intégrité physique. Il y a alors des répercussions nocturnes (sommeil perturbé, réveils fréquents) mais aussi diurnes : souffrance significative dans la vie quotidienne, altération du fonctionnement de la personne. Les médecins parlent de nightmare disorder, traduit par « maladie des cauchemars » dans la classification internationale des troubles du sommeil. Selon les spécialistes, elle touche 6 % de la population générale adulte.

« Cette pathologie peut être idiopathique [sans cause déterminée]ou associée à d’autres pathologies, comme des troubles psychiatriques [troubles anxieux, dépression, trouble du stress post-traumatique], explique Pierre Geoffroy, professeur de psychiatrie et médecin du sommeil au centre ChronoS (GHU Paris) et à l’hôpital Bichat (AP-HP). Dans un contexte d’atteinte psychiatrique, la prévalence de la maladie des cauchemars peut être bien plus élevée que dans la population générale, pouvant atteindre 90 %, notamment si elle est associée à des idées suicidaires ou à des symptômes mélancoliques, poursuit le spécialiste.

Une technique, issue des thérapies comportementales et cognitives (TCC), baptisée « répétition d’imagerie mentale »(RIM), a fait ses preuves et constitue le traitement de référence de la maladie des cauchemars. Concrètement, la RIM consiste à modifier un cauchemar préexistant en créant un nouveau scénario avec des images positives que la personne va visualiser mentalement. « Celui-ci, d’une durée de cinq à sept minutes, est visualisé deux fois par jour, dont une fois avant le coucher, et répété sur plusieurs mois, le scénario agréable changeant une fois par semaine », explique Charlotte Chaumereuil, qui mène des séances de RIM. « Son efficacité a été étudiée dans plusieurs essais contrôlés randomisés, que les cauchemars soient associés à un trouble de stress post-traumatique [TSPT] ou idiopathiques. Plusieurs méta-analyses retrouvent une amélioration de 80 % sur le sommeil et la détresse associée », précise Pierre Geoffroy.

« On a tendance à minimiser »

Ces deux ou trois dernières années, les cauchemars d’Adrien de Stabenrath se sont multipliés. « C’était quasiment toutes les nuits. Ils n’étaient jamais identiques, mais les thèmes étaient récurrents : une sensation de mort imminente, une impossibilité à réussir à faire la moindre chose, du vélo, ouvrir une porte…, raconte-t-il. Mes nuits étaient hachées par les réveils. Dans la journée, j’étais épuisé et mon humeur en était profondément affectée. »

« Ce qui caractérise le mieux le cauchemar, c’est la gêne fonctionnelle occasionnée durant la journée et générant insomnie, anxiété… ce qui aggrave cette dernière en favorisant l’évitement, explique Isabelle Poirot, psychiatre au CHU de Lille. Certaines personnes ne vont pas dormir dans leur lit, d’autres vont surfer sur Internet dans le canapé jusqu’à l’épuisement, d’autres encore vont mettre leur réveil à 3 heures du matin parce qu’ils savent qu’il va survenir à cette heure-là. »

Le plus souvent, ceux qui sont atteints de ce trouble se résignent, pensant qu’il n’existe pas de traitement pour les soigner. « Paradoxalement, comme le sommeil est un état que l’on ne maîtrise pas, il y a une espèce de honte à aller consulter lorsque l’on fait des cauchemars, que l’on est somnambule, que l’on fait des apnées du sommeil ou que l’on ronfle. Or, on ne devrait jamais s’habituer à quelque chose qui nous met dans une forme d’inconfort », souligne Sophie Schwartz, professeure au département des neurosciences fondamentales de la faculté de médecine, à l’université de Genève. « Faire des cauchemars est communément accepté, on a tendance à minimiser. Or, en faire souvent, ce n’est pas normal », ajoute Charlotte Chaumereuil.

D’autant plus que la fréquence et la récurrence des cauchemars peuvent être indicatrices de quelque chose de plus grave : dépression, idées suicidaires. « Si un adolescent commence un épisode dépressif et qu’il fait des cauchemars, son risque de suicide est entre trois et cinq fois plus élevé que celui d’un adolescent en bonne santé mentale », prévient Isabelle Arnulf.

En octobre 2022, Adrien de Stabenrath s’est décidé à aller consulter dans son service pour un autre trouble qui gâchait ses nuits, la paralysie du sommeil : un cauchemar sans agitation pendant lequel la personne se trouve dans un état entre sommeil et éveil, et est totalement paralysée. En consultation, la neurologue lui parle alors de la RIM.

Avoir de l’imagination

Mise au point aux Etats-Unis dans les années 1990, cette technique a été importée en France par l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) au lendemain des attentats de Paris de novembre 2015. L’unité d’Isabelle Arnulf a déjà suivi deux cents patients atteints de la maladie des cauchemars. Elle va comparer cette cohorte à deux cents autres patients qui ont un sommeil normal. La RIM a essaimé dans des structures hospitalières (hôpital Bichat, CHU de Lille, Montpellier, Toulouse, Hospices civils de Lyon…). Elle est également proposée par des médecins et des psychologues libéraux du Réseau Morphée, parfois réalisée en visioconférence, notamment par Benjamin Putois. Cette thérapie reste cependant encore méconnue du public et de bien des personnes concernées, malgré des résultats parfois spectaculaires.

Chez Adrien de Stabenrath, l’effet a été immédiat. « Au bout d’une semaine, je n’avais plus aucun cauchemar, et cette thérapie a aussi soigné la paralysie du sommeil dont je souffrais », témoigne-t-il. Le jeune homme a réécrit son cauchemar : « Je monte dans l’avion. J’attache ma ceinture. Le vol est agréable. L’avion atterrit de manière très douce au bord d’un lac et l’on partage un repas avec ma famille. » Pendant deux mois, il a répété ce nouveau rêve plusieurs fois par jour. « C’est assez miraculeux. Je sais que si mes cauchemars reviennent, j’ai la technique pour les faire disparaître. C’est beaucoup moins de stress à l’endormissement. »

« J’ai construit des scénarios positifs de toutes pièces, en partant d’un élément d’un cauchemar, et je changeais d’histoire tous les quinze jours » – Ophélie, pratiquante de la RIM

Noémie (le prénom a été changé) a démarré la thérapie en septembre 2020, également à la Pitié-Salpêtrière. Dans un de ses cauchemars, la mer est agitée, elle est emportée par une vague. « Je l’ai transformé en scénario positif. Je suis sur le ponton, la mer est calme et bleue, il y a une plage de sable », raconte cette femme de 24 ans, qui a commencé à faire des cauchemars en juillet 2019, à la suite d’un épisode d’anxiété assez fort, avant de les voir s’accentuer pendant la crise sanitaire. « C’était très anxiogène. Toujours des poursuites, des catastrophes naturelles, des raz de marée qui se finissaient par une noyade, décrit cette étudiante en master d’économie. Dès la troisième semaine de RIM, je faisais moins de cauchemars et, au bout de deux à trois mois, ils avaient quasiment disparu. » Le point fort de cette thérapie pour elle : reprendre le contrôle, se débarrasser des humeurs négatives.

La RIM nécessite néanmoins d’avoir une certaine imagination et, comme pour toute thérapie, une certaine réceptivité. « Ce qui est important, c’est de visualiser les détails, les personnes qui nous entourent, les interactions, les odeurs, les émotions, les bruits, les sensations. Ce n’est pas un exercice de pensée, mais de visualisation mentale d’un scénario positif », précise la neuropsychologue Charlotte Chaumereuil.

Ophélie (le prénom a été modifié), elle, n’y croyait pourtant pas vraiment. Cette avocate de 31 ans faisait au moins deux cauchemars par semaine, parfois deux ou trois dans la même nuit. Les thèmes étaient récurrents : sa mort – on la tuait – ou celle de ses proches – c’est elle qui les tuait… Persuadée qu’il n’y avait rien à faire pour se soigner, c’est sans grande conviction qu’elle a fait une première séance de RIM. Elle n’a pas réécrit de scénario, car l’idée de replonger dans un de ses cauchemars était trop traumatisante. « En revanche, j’ai construit avec Charlotte Chaumereuil des scénarios positifs de toutes pièces, en partant d’un élément d’un cauchemar, et je changeais d’histoire tous les quinze jours. »

Ophélie a pratiqué la RIM pendant un an. Mais, dès la première séance, elle a réussi à modifier dans son sommeil la fin de son cauchemar. « J’étais dans un train, il déraillait et s’encastrait dans un arbre. Sans la RIM, on mourait tous. Là, l’arbre s’est ouvert en deux telle une porte. J’arrivais en Angleterre et je mangeais une glace. » A partir de là, Ophélie l’utilise de manière assidue. « Aujourd’hui, je la pratique dès que les cauchemars reviennent. Mais je n’en fais quasiment plus : en 2022, j’ai dû en faire trois et il n’y a plus de morts, c’est beaucoup moins violent. »

Association son-rêve

Mais si la RIM a fait ses preuves, comme toute thérapie elle ne fonctionne pas chez tout le monde. En Suisse, des chercheurs en neurosciences de l’université de Genève et des hôpitaux universitaires de Genève ont mis au point un nouveau procédé pour les patients qui n’y répondent pas, en y associant une autre technique : la « réactivation de mémoire ciblée » (ou TMR pour Targeted Memory Reactivation). Une méthode utilisée dans des protocoles expérimentaux pour comprendre comment, lorsque l’on dort, la mémoire se consolide. « Concrètement, en envoyant des stimuli au cerveau d’une personne endormie, ce peut être un son ou une odeur associés à des images ou à des expériences. Il est possible de consolider la mémoire de ces apprentissages », explique Sophie Schwartz.

Pour leurs travaux, dont les résultats ont été publiés dans la revue Current Biology, le 21 novembre 2022, les chercheurs ont réuni 36 patients – 27 femmes et 9 hommes âgés de 20 ans à 35 ans – qui faisaient plus d’un cauchemar par semaine. Tous souffraient de cauchemars idiopathiques. Les participants devaient rédiger un journal du sommeil et des rêves à la maison pendant quinze jours.

Une fois cette période passée, les 36 patients ont suivi une séance de RIM. Puis seule la moitié d’entre eux a reçu un son, l’accord majeur C6-9 – do, mi, sol, la, ré –, joué au piano, à raison d’une seconde toutes les dix secondes, pendant qu’ils répétaient le nouveau scénario de rêve positif durant cinq minutes. Afin d’éviter la disparition de l’association son-rêve, les patients de ce groupe ont écouté le son pendant qu’ils s’entraînaient quotidiennement au scénario positif de la RIM.

Au cours des deux semaines suivantes, tous les patients ont reçu le son pendant le sommeil paradoxal, grâce à un bandeau contenant des électrodes mesurant l’activité cérébrale. Comme lorsqu’ils étaient en état d’éveil, ce son a été transmis par conduction osseuse, afin qu’il ne réveille ni le patient ni son entourage. Parallèlement, tous les participants ont répété le scénario du rêve positif pendant cinq minutes tous les jours et tenu un journal de leurs rêves. « Nous avons observé que la fréquence des cauchemars avait diminué dans les deux groupes, mais beaucoup plus dans le groupe qui avait associé la TMR à la RIM », dit Sophie Schwartz. Mieux, les chercheurs ont rapporté une augmentation des rêves contenant des émotions positives dans le groupe ayant bénéficié des deux thérapies. Trois mois après, les bénéfices étaient encore présents.

« Pour l’instant, nous sommes encore au stade de la recherche et cette méthode n’a pas été validée sur le plan clinique. Nous la testons actuellement chez les personnes qui font des cauchemars associés à un stress post-traumatique. S’il est démontré qu’elles vont mieux dans la journée et que leurs cauchemars diminuent, alors ce sera un argument très fort pour généraliser la TMR », affirme Sophie Schwartz.

Les vétérans du Vietnam

D’autant plus que la plupart des personnes souffrant de TSPT font des cauchemars, qui comportent souvent une scène ou un fragment de l’événement traumatisant. « Dans le stress post-traumatique, il est probable que les circuits émotionnels soient tellement malmenés, l’hyperéveil et l’hypervigilance tellement forts, que cela entraîne une forte fragmentation du sommeil qui peut être à l’origine de la conscience de cauchemars de début de nuit, en sommeil profond, mais également de troubles respiratoires nocturnes pouvant parfois générer des cauchemars », décrit Isabelle Poirot.

Autre thérapie proposée pour traiter les cauchemars associés au TSPT, retrouvés en sommeil paradoxal et en sommeil lent, la prazosine, un alphabloquant utilisé comme antihypertenseur. En voulant soulager les vétérans revenus du Vietnam, souffrant de TSPT en hyperéveil, des médecins avaient prescrit un bêtabloquant pour ralentir leur rythme cardiaque et leur niveau de stress. Problème : ce traitement a aggravé leurs cauchemars. Les médecins ont alors testé les alphabloquants. Effet immédiat : les cauchemars se sont espacés pour une partie d’entre eux en améliorant certains de leurs symptômes.

« La prazosine va atténuer l’état d’hypervigilance, diminuer la tension artérielle et ralentir le niveau d’adrénaline nocturne », explique Isabelle Arnulf. Mais « elle agit sur le système cardio-vasculaire et peut donc provoquer des effets indésirables, interagir avec d’autres traitements, et ne doit pas être prescrite chez certaines personnes », prévient Benjamin Putois.

Dans ce domaine, le traitement idéal n’est encore qu’un doux rêve, mais, pour beaucoup, toutes ces thérapies permettent au moins d’entrevoir la fin des cauchemars.

Le mauvais rôle de certains médicaments

Dans nos armoires à pharmacie, certains médicaments sont susceptibles de causer des cauchemars. Outre les bêtabloquants, c’est le cas des agents dopaminergiques prescrits pour la maladie de Parkinson et les jambes sans repos, ainsi que des inhibiteurs de la transcriptase inverse anti-VIH. De même, les somnifères dits « à demi-vie courte », comme le Stilnox, endorment pendant cinq heures. Une fois l’effet passé, les personnes se réveillent, et se lèvent ou se rendorment. Comme le somnifère a bloqué le sommeil paradoxal, il y a un rebond de sommeil paradoxal avec beaucoup de mauvais rêves.

Si les benzodiazépines (Xanax, Lexomil) sont amnésiantes, les antidépresseurs sérotoninergiques (Seropram, Effexor, Prozac…) ont plutôt tendance à supprimer les souvenirs de rêves dans le premier mois, « mais quand le sommeil paradoxal revient, au bout de quelque temps, cela peut se faire sur un mode cauchemardesque », explique Isabelle Arnulf, cheffe du service des pathologies du sommeil à la Pitié-Salpêtrière. Les médicaments de sevrage tabagique (patchs, Champix, agonistes des récepteurs à la nicotine…) peuvent également provoquer des rêves bizarres et des cauchemars, car la nicotine et l’acétylcholine stimulent le sommeil paradoxal.


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