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dimanche 9 octobre 2022

Pourquoi ça marche «Aya de Yopougon», une sacrée go

par Frédérique Roussel  publié le 2 octobre 2022 

L’héroïne d’Abidjan de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie revient militer dans un septième album.

Ce proverbe-là lui sied à merveille : «Ma fille, le soleil ne peut se cacher avec la main, allez», lui dit sa mère en la poussant dehors pour qu’elle parle enfin à Didier, il a le béguin pour elle et l’a sauvée des pattes d’un harceleur. Aya sort pour lui et ressort pour nous enfin, après une éclipse de douze ans. Entretemps, le personnage imaginé par Marguerite Abouet et dessiné par Clément Oubrerie a fait du cinéma, un long métrage en 2013. Sa petite sœur Akissi, elle, a été au centre de dix albums, avec Mathieu Sapin au crayon. Et Marguerite Abouet a œuvré sur C’est la vie !, une série télévisée sénégalaise en trois saisons. Ecrire seule lui manquait, Aya lui manquait à elle et à Oubrerie. Sans aucun doute aussi aux enfants et adolescents grandis avec cette Afrique joyeuse, chez les Ivoiriens de Yopougon, le quartier populaire d’Abidjan. Les six premiers tomes, parus entre 2005 et 2010, se sont vendus au total à 800 000 exemplaires et ont été traduits en quinze langues. Ce septième volet a un premier tirage de 60 000 exemplaires. «Celui qui a fabriqué le tambour sait le mieux ce qui est dedans.»

Pourquoi n’est-elle pas une go comme les autres ?

Aya essaye toujours de régler les problèmes des amis. Albert, le frère d’Adjoua, a quitté la maison après avoir annoncé son homosexualité à ses parents qui pensent que les sorciers du village l’ont ensorcelé. Aya tente de les faire se revoir. A la fac, elle déclenche une manifestation contre le cadre de vie et la pénurie de chambres, qui enrichit les escrocs et les syndicats. Féministe, elle évite les histoires amoureuses, mais conseille ses bonnes copines. «Féli, une fille peut courtiser un homme ! ça se fait, on est au vingtième siècle. Trouve-toi un bon gars, Féli. – Hé Aya, les filles comme ça, là, on les appelle des djantélés !»

Flora est-elle briseuse de foyer ?

Après son succès à l’émission Super star station, Bintou est devenue une actrice célèbre, vit désormais à Cocody, dans les quartiers aisés, et tourne dans un soap très regardé, Gâteuse de foyer. Les Abidjanais ne font pas toujours la différence entre la fille du petit écran et celle qu’ils croisent dans la rue. «On va te faire regretter d’avoir fait souffrir la femme de Bohiri. – Mais c’est pour de faux ! C’est un film ! – On va abîmer ta beauté de sorcière et tu prendras plus mari des autres.» Bintou alias Flora prend fissa un taxi avant de se faire lyncher.

Inno va-t-il être expulsé ?

C’est le côté parisien de l’album, qui comme les précédents, avance d’un bon rythme, foisonnant de couleurs, palabrant dans tous les coins, avec un quota assez haut en accidents de voiture et interventions policières, et des thèmes comme l’homosexualité, le statut des migrants, l’autisme, le harcèlement. Inno, heureux en couple avec Seb à Paris, n’a toujours pas de papiers. On est en 1981, il se réjouit d’être régularisé par Mitterrand, et finit par rejoindre les associations de lutte contre les expulsions. Arrêté par la police, il va devoir retourner à Yopougon. Comme nous, car Aya a été interpellée, Albert drogué, Bintou est encore «dans pain» (encore des ennuis)… «Mieux vaut traiter les problèmes que de les accumuler avec regret dans son cœur.» Ça sent le huitième.

Marguerite Abouet, Clément Oubrerie, Aya de Yopougon, Gallimard «BD», 128 pp.


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