Alors que l’élection présidentielle a mis en lumière les conditions d’exercice du droit de vote des détenus, qui ont été grandement facilitées sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, une autre promesse du chef de l’Etat pour garantir une plus grande dignité aux personnes incarcérées a trouvé sa concrétisation. Un décret paru au Journal officiel du 26 avril instaure, à compter du 1er mai, un « contrat d’emploi pénitentiaire » entre le détenu et le représentant de la structure qui le fait travailler.
« C’est une évolution positive que l’on salue, mais on est encore loin de faire entrer le droit du travail en prison », observe-t-on à l’Observatoire international des prisons (OIP) – section française. La création de ce contrat d’emploi pénitentiaire avait été annoncée par Eric Dupond-Moretti en avril 2021, le ministre de la justice ayant affiché sa volonté de développer le travail en prison et de renforcer les droits sociaux du travailleur détenu.
Prévu dans la loi du 22 décembre 2021 « pour la confiance dans l’institution judiciaire », ce contrat vient remplacer l’acte d’engagement unilatéral. « L’objectif est de créer des conditions d’exercice qui se rapprochent de ce que serait une relation de travail avec un employeur, une fois que ces personnes auront retrouvé pleinement leur place dans la société », explique-t-on au sein de l’administration pénitentiaire.
Que la personne incarcérée postule pour travailler au service général de la prison (préparation des repas et distribution, petit entretien des bâtiments, etc.), à la régie industrielle pénitentiaire (fabrication d’équipements, imprimerie, etc.), à un emploi dans l’atelier en concession d’une entreprise privée ou pour une structure d’insertion par l’activité économique, le cheminement sera le même. Une fois qu’un détenu, condamné ou en détention provisoire, aura été « classé » au travail par la direction de la prison, un entretien aura lieu entre le donneur d’ordre (privé ou public) et l’intéressé.
« Un niveau de rémunération indécent », selon l’OIP
Il s’agit d’un processus de recrutement totalement inédit. Jusqu’ici, c’est l’administration pénitentiaire qui avait la main sur le choix des personnes affectées à tel ou tel atelier ou concession, pas l’employeur. Le but est d’assurer aux entreprises une certaine liberté.
La contrepartie sera la signature d’un contrat dans lequel seront précisées la nature du travail, la période d’essai, la durée du travail, la rémunération, les conditions de paiement des heures complémentaires et les conditions de rupture du contrat. Ce dernier pouvant être suspendu en cas de baisse temporaire d’activité, ou révoqué pour motif économique ou force majeure.
En revanche, les conditions de rémunération restent inférieures au droit commun, avec un minimum de 45 % du smic dans les activités de production, et de 20 % à 33 % du smic au service général. « Un niveau de rémunération indécent, tandis que la flexibilité du travail consacre la dépendance du détenu à l’égard du donneur d’ordre », proteste-t-on à l’OIP.
Tout l’enjeu reste, néanmoins, d’attirer des employeurs pour lutter contre l’oisiveté en prison et préparer à la réinsertion des populations restées parfois très longtemps éloignées du monde du travail. Seules 31 % des personnes détenues travaillent aujourd’hui. C’est mieux que les 28 % en 2019, mais bien moins que les 50 % approchés en 2000. La récente amélioration du taux d’emploi est due, pour une bonne part, au développement des postes du service général lié à la crise sanitaire (désinfection régulière des espaces communs, des poignées de portes, etc.).
Vers un code pénitentiaire
Le volet des droits sociaux, également promis par la loi Dupond-Moretti de décembre 2021, devrait venir sous la forme d’une ordonnance, dont la loi de ratification devra être soumise au Parlement à l’automne. Il s’agira notamment de permettre de valider des trimestres pour l’assurance-retraite, alors que le nombre d’heures travaillées en atelier (dix-sept heures par semaine) empêchait de les prendre en compte, de créer des droits à l’assurance-chômage mobilisables à la sortie de prison, ou encore de couvrir les risques d’accident du travail.
Une autre innovation est intervenue sans coup férir, le 1er mai. C’est l’entrée en vigueur du « code pénitentiaire ». Préconisé depuis plusieurs années, promis par Eric Dupond-Moretti en 2021, il rassemble tous les textes organisant l’exécution des peines, l’organisation des prisons, le régime disciplinaire, le suivi des personnes sous main de justice en milieu ouvert, etc. Un maquis de 1 650 articles issus de lois et décrets, qui étaient éparpillés dans le code pénal, le code de procédure pénale et ailleurs. Ce nouveau code ne change pas le droit en vigueur, « mais cela remplit un objectif de clarté », se réjouit Juliette Chapelle, présidente de l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus.
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