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vendredi 6 mai 2022

Don de corps à la science : un nouveau règlement pour encadrer la pratique et restaurer la confiance

par Lucie Beaugé  publié le 4 mai 2022

A la suite du scandale Paris-Descartes, un décret dévoile le nouveau cadre juridique autour du processus de don. Un comité d’éthique doit désormais être instauré dans chaque établissement.

C’était une promesse du gouvernement après le scandale Paris-Descartes. En application de la loi bioéthique adoptée en juin 2021, les nouvelles règles de conditions de don de corps à la science ont été publiées le 28 avril dans un décret au Journal officielPlusieurs changements notables viennent bousculer l’ancien règlement, comme la prise en charge des frais de transport du corps par le centre de d’accueil (avant réglés par la famille du défunt) et la mise en place systématique d’un comité d’éthique dans ces établissements.

Mais le texte vise surtout à être plus transparent en posant un cadre juridique clair, après la révélation de l’affaire du «temple de l’anatomie française». Images à l’appui, l’Express avait révélé en novembre 2019 que des dépouilles putréfiées s’entassaient dans une salle vétuste de l’université Paris-Descartes. Un bras noirci rongé par une souris, des visages moisis, du sang qui s’écoule le long d’une canalisation bouchée… Les clichés pris entre 2016 et 2018 ont effaré le pays. Et posaient la question suivante : quel respect pour ceux qui ont accepté de donner leur corps à la science ? Quelle éthique ? Ces révélations ont par la suite conduit à quatre mises en examen en 2021, dont celles de l’université parisienne et de l’ancien président Frédéric Dardel pour «atteinte à l’intégrité d’un cadavre».

En France, 3 000 personnes donnent leur corps à la science après leur mort auprès d’une trentaine de centres. Cette loi bioéthique, résumée dans le décret, a donc pour but de restaurer la confiance de ceux et celles qui font ce choix. Assurer aux donneurs que, avant pendant et après les activités de recherche sur leur dépouille, leur intégrité sera respectée. Libération fait le tour de cette refonte du règlement.

Comment fonctionnent les établissements bénéficiaires des dons ?

Grosse nouveauté, le décret prévoit la création systématique, dans chaque structure, d’un «comité d’éthique, scientifique et pédagogique chargé d’émettre un avis sur les programmes de formation et les projets de recherche nécessitant l’utilisation de corps ayant fait l’objet d’un don». Par exemple, si un responsable d’établissement veut autoriser la segmentation du corps du donneur (une pratique néanmoins très marginale), il devra s’en référer au comité d’éthique. Idem pour la sortie temporaire d’un corps en dehors de l’établissement. «Le décret vient solenniser le fait que ces pratiques doivent demeurer dérogatoires et soumises préalablement au comité d’éthique, scientifique et pédagogique de chaque centre des dons du corps», souligne le ministère auprès de Libération.

Enfin, le ministère de tutelle de ces centres (comme celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) aura à charge d’autoriser, pour une durée de cinq ans et de manière renouvelable, tout établissement qui accueille ces corps. Une autorisation qui peut être suspendue et retirée à tout moment si des infractions sont constatées. Le ministère précise par ailleurs que «les centres de dons en exercice devront se conformer à cette nouvelle réglementation».

Comment recueille-t-on le consentement ?

Rien de bien neuf dans ce premier palier du processus : le consentement, la gratuité ou encore l’anonymat faisaient déjà partie des grands principes du don du corps, mais le texte en rappelle l’importance et en clarifie les étapes. Après avoir reçu une documentation sur le sujet de la part de l’établissement autorisé à recevoir des corps, la personne qui souhaite faire un don consent «par une déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main»,indique le décret, en application depuis vendredi. Cette dernière s’engage à porter une carte de donneur en permanence. Mais ce consentement est révocable à tout moment, dans les mêmes conditions.

Aucun paiement ne peut par ailleurs être alloué à la personne qui consent au don. Le donneur est quant à lui encouragé à informer sa famille ou ses proches de sa démarche. L’établissement, lui, s’il n’est finalement pas en mesure d’accueillir le corps après la mort du donneur, «celui-ci [sera] acheminé vers l’établissement autorisé en capacité de le recevoir le plus proche».

Quelles modalités de transport et d’accueil des corps ?

Avant l’entrée en vigueur du décret, les frais de transport étaient réglés par le donneur ou ses proches, comme le confirme le ministère de l’Enseignement supérieur, qui affirme que l’ancien dispositif réglementaire était «incomplet», puisqu’il «ne mentionnait pas la prise en charge en amont de l’arrivée du corps aux centres des dons».

Pour rappel, cette autre dérive de l’affaire Paris-Descartes : le centre fournissait aux donneurs et à leur famille une liste restreinte de cinq ou six transporteurs funéraires, alors que plusieurs centaines étaient habilités à déplacer les corps. Dans un article du Monde, un proche témoignait avoir ainsi payé 900 euros pour voir sa «grand-mère dans un sac noir», alors qu’«on se demandait si la camionnette était réfrigérée».

Avec le décret, l’établissement ayant recueilli le consentement prend désormais «intégralement» en charge «les frais afférents à l’acheminement du corps». Il s’assure que les opérations de transport sont «achevées dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter du décès». A l’arrivée de la dépouille sur les lieux, la structure d’accueil «assure sa conservation jusqu’au terme des activités d’enseignement médical et de recherche». Un numéro d’identifiant lui est également attribué pour «garantir la confidentialité de l’identité du donneur».

Les activités d’enseignement médical et de recherche doivent ensuite être réalisées dans un «délai maximum de deux ans suivant l’accueil du corps». En assurant «la meilleure restauration possible» du corps, l’établissement juge quelle opération funéraire est la plus adaptée, tenant compte de la préférence exprimée du donneur ou de la personne référence qu’il a désignée.

Quelles conditions de réalisation des opérations funéraires ?

Depuis 1996, un article du code général des collectivités territoriales impliquait que l’établissement s’occupe des funérailles selon sa propre organisation. «En pratique, l’établissement procédait le plus souvent à la crémation du corps et à la dispersion des cendres dans le jardin du souvenir communal», explique le ministère, mais il ajoute que, au cas par cas, «des procédures de restitution pouvaient être mises en place».

Les donneurs et leurs proches ont dorénavant clairement le choix, la famille a la possibilité de s’occuper des funérailles. L’établissement de recherche propose toujours de réaliser la crémation du corps si besoin : dans ce cas, les cendres sont restituées in fine à la personne référente ou à un proche. Chaque année, l’institution organise également une cérémonie du souvenir en hommage aux donneurs.


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