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mardi 16 novembre 2021

Précarité Mineurs migrants isolés : une santé mentale aggravée par un accueil plombant




par Alicia Girardeau publié le 9 novembre 2021 

Médecins sans frontières et le Comité pour la santé des exilés publient un rapport peu réjouissant sur la santé mentale des mineurs isolés en France, déplorant des conditions d’accueil brutales qui ne font qu’entretenir la détresse psychologique de ces jeunes censés être accompagnés par l’Etat.

De décembre 2017 à juin 2021, 395 «mineurs non accompagnés» ont bénéficié d’un suivi psychologique au centre d’accueil de jour de Médecins sans frontières, à Pantin (Seine-Saint-Denis). Ils sont ces quelques milliers d’exilés, âgés de moins de 18 ans, arrivés seuls sur le territoire national et dont l’encadrement dépend donc désormais de l’Etat français. Quelque 17 % d’entre eux sont originaires de zones de guerre et de conflits (Afghanistan, Soudan, Mali…). Pour autant, et c’est ce que pointe le rapport publié aujourd’hui par MSF et le Comité pour la santé des exilés (Comede), cet accueil n’est pas à la hauteur des besoins de ceux qui le reçoivent. Pis encore, il exacerbe les troubles déjà présents, allant même jusqu’à en favoriser l’apparition.

50 % des mineurs non accompagnés présentent des troubles réactionnels à la précarité

A leur arrivée en France, ces jeunes sont déjà fragilisés. Traumatisés par un parcours migratoire jonché de violences, de risques d’assassinats ou d’enlèvements. Certains le sont plus que d’autres. Les jeunes filles par exemple. Elles représentent 50 % des victimes de violences sexuelles sur la route de l’exil. La moitié d’entre elles reçoivent un suivi psychologique dans le centre d’accueil de Pantin. Seulement 16 % des garçons en bénéficient. Globalement, la plupart souffrent de troubles psychiques : des syndromes psychotraumatiques, des dépressions. Tous ont pour dénominateur commun des parcours de vie complexes dont l’accomplissement se trouve (en théorie) ici, en France. Néanmoins, lorsqu’ils passent la porte de l’accueil de jour du centre de Pantin, c’est un trouble d’un autre ordre qui préoccupe les psychologues : 50 % des mineurs non accompagnés (MNA) reçus en consultation présentent des troubles réactionnels à la précarité, résultant directement de l’accueil qui leur est réservé. Ils se heurtent tout d’abord à une politique de non-accueil qualifiée par le rapport «d’aggravante pour [leur] santé mentale».

En écho à la Convention internationale des droits de l’enfant, les mineurs non accompagnés doivent être pris en charge par l’Etat. Toutefois, pour bénéficier de la protection de l’Aide sociale à l’enfance, ils sont tenus de faire valoir leur minorité et leur isolement devant le Conseil départemental d’abord, puis devant le juge des enfants si cette décision est contestée. Le processus peut s’étaler sur plusieurs mois (vingt-quatre au maximum). Un temps long durant lequel ces jeunes, alors dépourvus de statut administratif, considérés ni mineurs, ni adultes, ne peuvent bénéficier de ressources financières, de logement ou d’accompagnement social. En résultent des chiffres frappants soulignés par le rapport : «55 % des jeunes vivent dans la rue lorsqu’ils débutent le suivi auprès des psychologues.» Parmi eux, seuls 5 % rencontraient une situation similaire dans leur pays d’origine. Des conditions de vie «indignes» favorables au développement d’un état dépressif, d’idées suicidaires.

Etablir la présomption de minorité

Le centre d’accueil de Pantin accompagne ces jeunes en transition. «Sur la majorité des jeunes que l’on accueille, au moins la moitié sont reconnus mineurs à la fin de l’évaluation [les autres basculeront sur le régime d’adultes en situation irrégulière, ndlr]», détaille Euphrasie Kalolwa, responsable plaidoyer santé de la Mission France de MSF. Autant de jeunes laissés à leur propre sort pendant de longs mois, victimes des lacunes de ce processus. Au-delà de l’enjeu majeur de l’accompagnement pluridisciplinaire, guidant les MNA dans leurs diverses démarches administratives et la mise à disposition d’un hébergement de longue durée, Euphrasie Kalolwa pointe la nécessité de mettre en place la présomption de minorité, absente à ce jour, comme cadre directeur. Celle-ci permettrait à ces jeunes de disposer des droits fondamentaux, d’hébergement ou de santé, dont ils peuvent initialement bénéficier en tant que personne mineure. Aujourd’hui, «on part davantage du principe que ces jeunes mentent pour accéder à une protection qui ne leur est pas destinée. Nous ce qu’on constate, c’est que ces jeunes vivent dans une extrême précarité», conclut-elle.

 

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