Par Solène Cordier Publié le 17 novembre 2021
La Ciivise fait un premier bilan, deux mois après le lancement de sa plate-forme. Il souligne l’impact des violences sur la santé des victimes.
En l’espace de huit semaines, 6 200 témoignages ont été reçus. C’est le premier bilan de l’appel à témoignages de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), lancé en septembre, sans qu’il soit possible cependant de déterminer combien de situations différentes ce chiffre global décrit. « Il se peut que des personnes aient à la fois écrit, appelé, et répondu à des questionnaires », reconnaît l’instance, installée officiellement en mars. Toutefois, cet afflux de témoignages reçus en quelques semaines confirme ce que démontrent déjà les enquêtes existantes : le caractère massif de ces violences, qui touchent environ 160 000 mineurs chaque année.
Dans le détail, 1 200 appels ont été reçus par les écoutantes spécialisées de la plate-forme téléphonique (accessible au 0-805-802-804 pour la métropole et au 0-800-100-811 depuis l’outre-mer), 1 200 courriers et e-mails ont été envoyés, et 3 800 questionnaires, accessibles sur le site Internet de la Ciivise, ont été remplis. « 80 % des répondants aux questionnaires ont été victimes de violences sexuelles dans la famille, 20 % dans l’entourage, 10 % dans les institutions et 7 % dans l’espace public », détaille au Mondela Ciivise, qui précise que les répondants peuvent renseigner plusieurs types de violences.
Forte proportion de femmes
Parmi les premiers enseignements qui ressortent à la lecture des questionnaires figurent le genre des victimes (neuf sur dix ayant répondu sont des femmes), la forte proportion de celles ayant déjà témoigné des violences subies (neuf sur dix) et le délai relativement long avant de parler : sept victimes sur dix l’ont fait plus de dix ans après les faits. Ces éléments « convergent avec les données qui apparaissent dans les enquêtes en population générale, avec cependant quelques décalages », observe la sociologue à l’université de Strasbourg Alice Debauche, membre de la sous-commission « recherche » de la Ciivise. Prudente, elle rappelle qu’il s’agit à ce stade de « premiers éléments quantitatifs, éventuellement sujets à variation à l’avenir », l’appel à témoignages se poursuivant encore pendant toute l’année 2022.
D’ores et déjà, « ce qui est intéressant dans ces questionnaires et les témoignages qu’ils renferment, c’est le niveau de détails fournis », qui révèlent des conséquences sur les victimes n’apparaissant pas nécessairement dans les enquêtes en population générale. L’impact sur la santé des violences sexuelles subies dans l’enfance est particulièrement éloquent : une victime sur trois rapporte avoir déjà fait une tentative de suicide. Chez les femmes, une sur trois déclare des problèmes gynécologiques et une sur cinq un dérèglement de son cycle menstruel ou une absence de règles.
C’est sur ces récits très précis d’expériences des victimes que la Ciivise compte s’appuyer pour formuler des recommandations en vue d’une meilleure protection. « Plus on est en capacité d’identifier des conséquences spécifiques des violences sexuelles vécues dans l’enfance, plus on va pouvoir fournir aux professionnels, notamment de santé, des grilles d’analyse et des signaux d’alerte afin d’améliorer la prise en charge », résume Alice Debauche. L’amélioration de la prise en charge, y compris médicale, des victimes, est d’ailleurs l’un des axes de travail prioritaires de la Ciivise.
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