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lundi 30 août 2021

Le catholicisme peut-il survivre au XXIe siècle ?

Par     Publié le 29 août 2021

RÉCIT« Les religions ne meurent jamais vraiment » (6/6). 

Depuis les années 1960, le catholicisme recule chaque année un peu plus en Europe occidentale. Ce processus est-il irrémédiable ? Poussant l’Eglise dans ses retranchements, il pourrait aussi donner lieu, en retour, à un sursaut.

Depuis 2018, la succession de nouvelles révélations concernant les violences sexuelles sur des mineurs porte un coup rude à l’édifice déjà bien affaibli du catholicisme, en France comme dans toute l’aire occidentale. Commissions d’enquête, livres, documentaires nourrissent la thèse du caractère systémique de cette réalité si longtemps cachée.

Cette accusation qui fait de l’Eglise une matrice pour ces crimes se greffe sur le diagnostic maintenant bien établi d’un déclin qui se manifeste, depuis les années 1960, par la chute de la pratique, des baptêmes, des vocations, et finalement d’une désaffiliation religieuse qui touche près de la moitié de la population. Le catholicisme est-il chez nous en voie d’extinction ?

« Depuis le début du XIXe siècle, il y a des annonces de mort imminente, tempère l’historien Guillaume Cuchet, qui a décrit cet affaissement dans Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Seuil, 2018). Je ne crois pas du tout à la thèse d’une crise terminale. Mais il y a quand même un mouvement. Il n’est pas linéaire dans le temps, pas homogène dans l’espace et dans la société, mais c’est une tendance lourde de longue durée. Et ce décrochage spectaculaire s’est amplifié dans les années 2000, franchissant une nouvelle étape. Il y a encore un monde catholique actif. Mais le déclin touche fortement les deuxième et troisième cercles. »

Conflictualité intra-ecclésiale

Auteur, avec Jean-Paul Willaime, d’une somme intitulée La Religion dans la France contemporaine (Armand Colin, 2021, 320 pages, 29 euros), l’historien et sociologue Philippe Portier attire l’attention sur le risque de distorsion : « Nous raisonnons à partir de l’image que le catholicisme se donne de lui-même au XIXe siècle, lorsque la réforme tridentine [issue du concile de Trente, clos en 1563] est enfin parvenue à discipliner la population, avec un catholicisme rassemblé autour de sa hiérarchie. Son histoire est bien plus problématique qu’on veut bien le dire. On la résume souvent comme un parcours linéaire, alors que celui-ci a été heurté, difficile. D’ailleurs, le catholicisme a vécu dans l’idée que depuis la Renaissance, plus rien ne va. »

Le débat fait rage chez les catholiques pour savoir à quoi attribuer le déclin des dernières décennies. « Deux récits s’affrontent, résume le sociologue Yann Raison du Cleuziou. Pour les uns, il résulte d’un appariement incomplet et raté avec la modernité. A partir de l’encyclique Humanae vitae [texte de Paul VI qui, en 1968, prend position contre la contraception], l’Eglise aurait décroché de l’horizon de l’émancipation et, de ce fait, perdu sa pertinence sociale. Pour les autres, l’Eglise décline parce qu’elle a perdu sa substance surnaturelle en raison de sa sécularisation interne. On aurait fait fausse route à l’époque du concile Vatican II. Ces deux interprétations activent une forte conflictualité intra-ecclésiale. La fin est une peur et on se renvoie la responsabilité, chacun se prévaut d’une mémoire : les uns de la nostalgie d’une articulation entre espérance sociale et religieuse, les autres de la nostalgie d’une religion populaire perdue. »

« Le catholicisme a vécu dans l’idée que depuis la Renaissance, plus rien ne va. » Philippe Portier

A-t-on pris la mesure de l’impact social de ce recul massif et rapide ? De l’avis des chercheurs, c’est encore largement un point aveugle. « L’accroissement des “non-affiliés” est un fait nouveau et majeur, souligne Guillaume Cuchet. Ils deviennent majoritaires dans la jeunesse. Cela introduit une inconnue dans notre histoire. » « Ce qui est frappant, souligne Yann Raison du Cleuziou, c’est que cette évolution majeure est rendue invisible et indolore parce que ce détachement a pour cause une indifférence à l’égard de l’ancienne religion. Ceux qui s’éloignent ignorent même qu’ils en sont la cause. »

Que faire des crucifix ?

Que reste-t-il du catholicisme pour ceux qui s’en sont détachés ? « La grande majorité des Français ont encore une expérience intime du catholicisme » à travers les fêtes familiales, les baptêmes, les communions, les mariages. Ces occasions de réunion reculent néanmoins. Les baptêmes, qui concernaient 95 % des bébés dans les années 1960, ne seraient aujourd’hui plus administrés qu’à 30 % d’entre eux. Les communions et confirmations suivent. Les mariages chutent et, parmi eux, la part des mariages religieux aussi.

Le seul rite qui perdure encore majoritairement (à 70 %) est celui des obsèques religieuses. Mais pour combien de temps ? « Leur heure de vérité est arrivée, anticipe Guillaume Cuchet. Le décrochage religieux est en bonne partie générationnel, dû aux baby-boomeurs, qui s’approchent de l’âge de mourir. Il m’étonnerait qu’on soit encore à ce taux d’obsèques religieuses dans trente ans. »


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