Par Camille Stromboni Publié le 31 août 2021
Contesté lors de son entrée en vigueur le 9 août, le dispositif est mis en œuvre avec souplesse par les établissements de santé.
« Tact », « souplesse », « pédagogie ». Depuis bientôt un mois, les hôpitaux redoublent d’efforts pour déployer une mesurecontroversée : la vérification du passe sanitaire à l’entrée des visiteurs et patients (hors urgence), telle qu’instituée par la loi relative à la gestion de la crise sanitaire en vigueur depuis le 9 août.
Le dispositif avait soulevé de fortes craintes dans la communauté médicale face au risque de nuire à l’accès aux soins. Lors de l’examen du texte, les députés avaient voté sa suppression, avant qu’elle ne soit rétablie en seconde lecture à la demande du gouvernement. Le ministre de la santé, Olivier Véran, avait alors défendu la nécessité de faire des hôpitaux « des sanctuaires éloignés du Covid », tout en assurant que l’accès aux soins serait préservé.
Sur le terrain, à entendre les représentants des dirigeants hospitaliers, médecins, usagers… jusqu’aux syndicats de personnels, pour certains opposés à la mesure, celle-ci s’est appliquée sans grande difficulté. « Sous la pression des médecins, les contrôles se font de manière souple dans bon nombre d’établissements, relate Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et responsable CGT. Il relève « parfois quelques accrochages et tensions », principalement lorsque des accompagnants et visiteurs restent bloqués à l’entrée.
« Les premiers jours de mise en œuvre n’étaient pas simples, mais globalement, ça se passe bien », abonde Vincent Roques, de la Fédération hospitalière de France, qui a estimé le coût de la mesure à 60 millions d’euros par mois.
Aucun patient refusé
« Nous n’avons pas eu du tout de violence ou de contestation, alors que Toulon apparaît comme un des fiefs des manifestants anti-passe, rapporte Clarisse Audigier-Valette, pneumo-oncologue au centre hospitalier de Toulon. On sent les gens assez disciplinés, ils ont compris l’intérêt du passe. Si eux l’ont, cela protège leurs proches et l’hôpital », reprend la docteure, qui rappelle le caractère obligatoire des gestes barrières et du port du masque dans l’enceinte hospitalière.
Côté patients, cette nécessité de disposer d’un justificatif de schéma vaccinal complet, d’un test négatif de moins de 72 heures ou d’un certificat de rétablissement concerne seulement « les personnes accueillies dans les établissements de santé pour des soins programmés », précise-t-on au ministère. Avec une dérogation de taille : la règle s’applique « sauf décision contraire du chef de service ou d’un représentant de l’encadrement médical ou soignant » lorsqu’un refus pourrait empêcher un patient d’être pris en charge correctement.
Résultat : de Marseille à Lille en passant par Lyon, aucun patient n’a été refusé, assurent plusieurs responsables hospitaliers. « On a mis en place les contrôles, mais on est encore dans une phase pédagogique », dit Olivier Claris, président de la Commission médicale d’établissement des Hospices civils de Lyon. Pour son homologue au CHU de Lille, François-René Pruvot, la mesure n’est pas là pour être appliquée à la lettre. « L’idée, c’est de convaincre, mais jamais de refouler un malade qui vient à l’hôpital. On ne peut pas mettre le doigt dans l’engrenage de définir l’urgence d’une consultation, sinon on se plante. »
Antennes de tests rapides
« C’est quand même un peu aberrant de mettre en place un procédé qui n’est, au final, pas vraiment appliqué, étrille Aïcha Haccoun, secrétaire de la CGT à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, et opposée au passe. Ça ne sert à rien à part emmerder tout le monde, et mobiliser des personnels supplémentaires alors qu’on en manque cruellement dans les services. »
« A plus de 90 %, les patients l’ont », souligne de son côté Martin Hirsch, à la tête de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), où la vérification s’opère au sein du service et non pas à la porte de l’hôpital « pour éviter tout problème d’accès au soin ». Dans l’institution francilienne, comme à Toulouse ou à Marseille, des antennes de tests rapides ont été mises en place sur de nombreux sites pour proposer à ceux qui en auraient besoin –patients ou accompagnants – de se faire dépister en quelques minutes.
Ici et là, quelques refus ont toutefois été signalés
Ici et là, quelques refus de patients ont toutefois été signalés. Telle cette femme qui venait pour un soin programmé au centre hospitalier d’Armentières (Nord) et qui n’a pas voulu effectuer le test de dépistage rapide qu’on lui a proposé. « Il n’y avait aucune notion d’urgence », assure-t-on à la direction de l’hôpital. Dans les rangs des sociétés de transports sanitaires, on constate aussi « quelques cas », selon Guillaume Narguet, de la chambre nationale des services d’ambulance. Comme cet ambulancier qui s’est ému de voir une patiente qu’il transportait refusée à l’entrée d’une clinique de l’Eure, avant même la promulgation de la loi du 9 août. « La patiente qui s’est présentée à la clinique Bergouignan et devait subir son examen le 29 juillet ne pouvait justifier d’une vaccination complète et n’avait pas réalisé de test, explique la communication du groupe Vivalto Santé, dont fait partie la clinique. Elle a donc vu son examen déplacé au 5 août ce qui ne lui portait aucun préjudice. »
Liste d’exceptions
Les hôpitaux ont par ailleurs décliné toute une liste d’exceptions où le passe ne s’applique pas. Outre les services d’urgences, sont exonérés : les malades qui se présentent à la permanence d’accès aux soins de santé, ou encore pour le dépistage, la vaccination, l’IVG, les patients atteints de problèmes psychiques, ou ayant des difficultés avec la langue française…
De même, les « personnes accompagnant ou rendant visite à des personnes accueillies dans des établissements et services médico sociaux pour enfants » ne sont pas concernées, ni celles venant voir un proche en soins palliatifs. « Quand un visiteur vient de très loin, avec une situation sociale particulière, il nous arrive d’assouplir les règles », décrit aussi François Cuesta, directeur de l’hôpital de Saint-Malo.
Reste une dernière population concernée à l’hôpital par une forme particulière de passe sanitaire : les personnels « soumis à l’obligation vaccinale doivent présenter un certificat de rétablissement ou un test négatif s’ils ne sont pas vaccinés » pour exercer leur activité, selon les textes. Une disposition applicable du 7 août jusqu’au 14 septembre, avant l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale pour les soignants au 15 septembre. A entendre les responsables hospitaliers, c’est là que se trouve la véritable « source de tension ».
En pratique, son déploiement varie d’un établissement à l’autre. Dans les hôpitaux franciliens de l’AP-HP, ce sont les cadres de proximité qui vérifient que les personnels respectent la règle, au niveau de chaque service. Même si, selon certains soignants, le contrôle est loin d’être systématique.
Période de « tolérance »
Au CHU de Toulouse, une période de « tolérance » de trois semaines a été laissée aux personnels pour faire état de leur justificatif sur un outil interne. « On avait prévu une semaine, mais nos serveurs ont sauté », raconte Anne Ferrer, directrice générale adjointe de ce groupe hospitalier de 22 000 personnels (en incluant les vacataires), qui voit dans cet afflux le signe que « ça marche ! ».
Autre méthode : au centre hospitalier d’Armentières, dans les Hauts-de-France, on a choisi d’effectuer des opérations de vérification ponctuelles jusqu’à la mi-septembre, à chaque fois dans un service tiré au sort. Cela a donné lieu à de premières crispations. Deux personnels du service de pédiatrie, contrôlés jeudi 19 août, ont refusé de fournir un justificatif. Après 24 heures, ils ont confirmé leur position, et demandé à prendre des congés.
« Il n’est pas question de minorer les inquiétudes, assure Joris Lannoy, membre de l’équipe de direction, tout en rappelant que l’établissement compte 1 200 personnels, dont environ 900 ont déjà un schéma vaccinal complet ou en cours. Les ressources humaines ont reçu ces deux agents, nous continuons d’essayer d’apporter des sources sûres et neutres afin que chacun se fasse son avis sur le vaccin. »
Dans d’autres établissements, on assumait jusqu’à fin août l’absence de véritables contrôles pour cette période transitoire, les équipes étant fortement mobilisées pour recueillir les justificatifs des personnels pour être prêts le 15 septembre. « La tension sociale est suffisamment importante pour ne pas mettre d’huile sur le feu là où il n’y en a pas besoin », pointe Clarisse Audigier-Valette, à Toulon. Dans son hôpital, à partir du 30 août, des contrôles aléatoires de conformité au passe pour le personnel doivent avoir lieu pour ceux qui n’ont pas transmis leur certificat.
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