Par Florence Rosier Publié le 28 août 2021
Selon une étude britannique publiée jeudi dans « The Lancet Infectious Diseases », le variant Delta entraîne deux fois plus de risque d’être hospitalisé que la souche Alpha.
Les études montrant une dangerosité accrue du variant Delta se multiplient. Selon la dernière en date, publiée vendredi 27 août dans la revue The Lancet Infectious Diseases, le taux d’hospitalisation des personnes infectées par le variant Delta serait doublé par rapport à une infection par la souche Alpha. Le variant Delta est une forme mutée du SARS-CoV-2, détectée pour la première fois en Inde en octobre 2020. Bien plus contagieux que son prédécesseur, il est devenu la forme dominante du virus dans le monde. En France, il représentait au 3 août 98,1 % des cas de Covid-19, selon Santé publique France.
Si la contagiosité accrue du variant Delta ne fait aucun doute, son degré de virulence – sa nocivité – fait en revanche toujours débat. Pour cette étude, des équipes de l’université de Cambridge ont analysé les données de 43 338 personnes testées positives au Covid-19, au Royaume-Uni, entre le 29 mars et le 23 mai 2021. Statut vaccinal, âge et autres facteurs démographiques ainsi qu’admissions à l’hôpital ont été passés au crible de leur analyse. Il y avait 51,1 % de femmes et 48,9 % d’hommes ; 30 % avaient moins de 20 ans ; 54,6 % avaient entre 20 et 50 ans et seulement 6,2 % plus de 60 ans.
« Un surrisque probable lié au variant »
Les auteurs ont recensé 34 656 cas de variant Alpha (80 % des patients), majoritaire au Royaume-Uni au début de l’étude, et 8 682 cas de variant Delta (20 % des patients). Mais la proportion de ce dernier n’a cessé de croître durant la période de suivi, atteignant 65 % la dernière semaine.
Le taux d’hospitalisation donne une bonne idée de la virulence du coronavirus : c’est la gravité de la maladie qui conditionne l’admission à l’hôpital. Au total, 2,2 % des personnes infectées par le variant Alpha ont dû être hospitalisées (764 personnes, sur un total de 34 656) au cours des deux semaines qui ont suivi leur test positif, contre 2,3 % des personnes infectées par le variant Delta (196 personnes, sur un total de 8 682). Mais les deux groupes n’étaient pas strictement comparables : ceux infectés par le variant Delta étaient plus jeunes, habitaient dans des quartiers plus défavorisés et appartenaient plus souvent à une ethnie indienne. Pour les comparer, les auteurs ont dû faire une analyse statistique sophistiquée (dite « régression de Cox stratifiée »), « nécessaire et bien menée », salue Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie à l’université de Montpellier. Résultat : le variant Delta multiplie par 2,26 le risque d’hospitalisation par rapport à son cousin Alpha.
« C’est la troisième étude qui analyse la sévérité de la maladie liée au variant Delta, indique Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Toutes vont dans le même sens : elles indiquent un surrisque probable lié à ce variant. » Ainsi, une étude préliminaire écossaise, publiée le 14 juin dans la revue The Lancet, pointait un risque d’hospitalisation accru de 85 % avec ce nouveau variant par rapport à l’Alpha. Une étude canadienne, mise en ligne sur le site de prépublications MedRxiv (donc non revue par des pairs), trouve, elle, un risque d’hospitalisation augmenté de 50 %, un risque d’admission en soins intensifs supérieur de 80 % et un risque de décès accru de 50 % par rapport à tous les autres mutants du SARS-CoV-2. Selon Mahmoud Zureik, cependant, ces estimations doivent être confirmées et précisées sur des effectifs plus nombreux. Car, malgré la taille impressionnante de l’échantillon britannique, le nombre d’hospitalisations analysées restait assez faible.
La vaccination prévient le risque de forme grave
L’étude britannique livre une autre information cruciale : parmi toutes les personnes testées positives au Covid-19, quel que soit le variant en cause, seules 1,8 % étaient pleinement vaccinées (794 cas sur 43 338) ; 24 % n’avaient reçu qu’une dose du vaccin (10 466 cas). Et 74 % n’étaient pas du tout vaccinées (32 078 cas). « Alors qu’à cette période, 40 % à 50 % de la population britannique était vaccinée, moins de 2 % des personnes infectées par le coronavirus dans cette étude étaient complètement vaccinées », note Mahmoud Zureik.
« Notre analyse montre que, en l’absence de vaccination, toute épidémie de variant Delta provoquera une pression plus forte sur le système de santé qu’une épidémie de variant Alpha, souligne Anne Presanis, coautrice de cette étude britannique. Etre pleinement vacciné est une condition capitale pour réduire le risque individuel d’infection symptomatique par le variant Delta, mais aussi le risque de maladie sévère et d’admission à l’hôpital. »
Alors que le variant Delta se propage aujourd’hui à vitesse accélérée chez les plus jeunes, ces trois études ne permettent pas de conclure quant à sa virulence dans la population pédiatrique (vu le très faible nombre d’hospitalisations chez les enfants). « Mais l’équipe canadienne creuse cette question », précise Mahmoud Zureik.
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