— 29 décembre 2020
Vaccination dans un Ehpad de Dijon, dimanche. Photo Philippe Desmazes. Reuters
En pleine période des fêtes et alors que la campagne de vaccination a débuté dimanche, «Libération» a récolté la parole de cinq résidents de maisons de retrait
En cette fin d’année, ils sont au centre des attentions : quasiment mis sous cloche pour les protéger du Covid-19, les résidents en Ehpad (1) sont les premiers bénéficiaires des vaccins censés transformer la lutte contre l’épidémie. Comme près de 750 000 personnes en France, Daniel, Nicole, Patricia, Louise et Ernest ont passé les fêtes de Noël entre les quatre murs de leur maison de retraite. Si la plupart se disent «peu affectés» par l’isolement imposé pour des raisons sanitaires dans les Ehpad, d’autres regrettent de ne pas voir davantage leurs proches. Quant à la campagne de vaccination entamée dimanche, qui les concernera à partir de janvier, elle ne fait pas toujours l’unanimité. Ils racontent à Libération.
Daniel, 94 ans, résident de la Cité des aînés, à Montpellier (Hérault) : «Favorable au vaccin et sans états d’âme»
«Passer Noël tout seul ne m’a pas plus ému que cela. J’ai servi l’armée française pendant vingt-cinq ans, j’ai donc été habitué à vivre isolé de ma famille. Au cours de ma carrière, j’ai été amené, à plus d’une reprise, à fêter Noël avec mes subordonnés dans des situations moins confortables que celle-là. Certes, il est dommage qu’on ne puisse pas revivre les instants de joie et de plaisir avec les familles et les amis, mais j’ai suffisamment eu de difficultés dans ma vie pour relativiser et ne pas me laisser aller à des sensibleries.
«Je suis favorable au vaccin et sans états d’âme. Si tout le monde se fait vacciner, les chances de voir réduire la maladie augmentent. Ceux qui ont mis au point ce vaccin ne sont pas des fabricants de confiture. Les scientifiques ont travaillé sérieusement dessus. On a mesuré les risques, on l’a mis sur le marché après avoir pris nos précautions. Je n’ai pas envie de louper une occasion à peu près convenable par peur des risques !»
Nicole, résidente de la Cité des aînés à Montpellier : «J'ai l’impression que je ne suis pas assez informée»
«La situation ne me pèse pas, tant que je sais que c’est provisoire. De toute façon, je n’ai pas d’époux et pas d’enfants. Pour l’instant, je garde le moral. Mon frère m’appelle tous les jours. Même s’il ne vient pas, je n’ai pas l’impression qu’il est loin. Les repas en collectivité ont repris et je mange au restaurant avec mes deux résidentes habituelles. Ça ne change pas grand-chose à mon quotidien. Je mets mon masque et puis voilà !
«Le vaccin est nouveau, il a été fait très vite. Et puis le virus change sans arrêt. En plus, la technique utilisée est nouvelle, c’est tout cela qui m’inquiète. J’ai beaucoup de questionnements. A la résidence on n’a pas Internet, j’ai l’impression que je ne suis pas assez informée. Je vois mon médecin demain, je vais lui poser des questions. S’il me dit que c’est bien pour nous, je lui ferai confiance.»
Ernest, 90 ans, résident de l’Ehpad de Kerlizou à Carantec (Finistère) : «Je suis gourmand et content de gueuletonner»
«Franchement, je vais très bien. Ici, l’ambiance est très bonne. Nous pouvons discuter avec les autres résidents. Je vois mon épouse [qui est aussi résidente dans le même établissement, ndlr] tous les jours et je déjeune et dîne avec elle. Certes, les proches ne peuvent pas venir nous voir plus d’une demi-heure mais c’est une règle générale donc il faut se faire une raison. Moi j’ai de la chance, mes proches viennent me voir souvent.
«Mon fils et ma fille sont de la région, ils sont venus me rendre visite pas plus tard que cet après-midi. Pour Noël, j’ai pu réveillonner avec les autres résidents et nous avons passé une belle soirée. Et puis, on a un cuistot de marine qui est habitué à faire de bons plats à ces messieurs. Moi, je suis gourmand, j’ai bon appétit et je suis content de gueuletonner. Pour le Nouvel An, c’est bisque de homard, gambas et chevreuil !»
Louise, 90 ans, résidente des Jardins du Castel à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine) : «Le vaccin est un soulagement»
«Je suis dans cet Ehpad depuis début novembre. Avant d’intégrer cet établissement, j’étais déjà très isolée. Je suis habituée à gérer la solitude. Pour moi, ça n’est pas vraiment une nouveauté. J’ai mon ordinateur, quelques livres à lire, des tablettes, donc ça va. Je m’occupe. Mes neveux et nièces viennent me rendre visite de temps en temps. On peut se voir sur rendez-vous, à trois personnes maximum et une heure dans la salle principale.
«Je garde le moral car la raison m’y oblige et je ne peux rien faire contre les circonstances, alors autant les accepter. Et puis, pour moi, le vaccin est un soulagement. J’ai été professeur en santé publique, donc ça me connaît. Je suis pour la vaccination car j’ai conscience de vivre en collectivité. Et puis, je ne vois pas pourquoi ce vaccin entraînerait plus de réactions et effets que les autres.»
Patricia, 81 ans, résidente de l’Ehpad Huguette Valsecchi de Paris (Ile-de-France) : «Nous sommes les cobayes»
«Depuis qu’on nous a confinés, c’est la cata ! Je ne sors plus de ma chambre. Je n’ai le moral à rien. Avant, je me baladais dans le jardin, je fumais une cigarette, je voyais les autres… Aujourd’hui, je regarde la télé toute la journée. Je ne vais même pas déjeuner en bas avec les autres résidents. Je n’ai même pas le droit de mettre le nez dehors pour prendre un bol d’air frais. Les rencontres se font dans la salle principale avec les autres familles. Il y a du monde autour et nous n’avons aucune intimité.
Je n’ai jamais voulu me faire vacciner. Alors, pour ce vaccin, je ne vais sûrement pas accepter. On ne connaît rien dessus, il est tout nouveau. Nous, les résidents d’Ehpad, sommes les cobayes, pour voir comment ça se passe avant de vacciner les autres.»
(1) Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
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