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samedi 24 octobre 2020

Union civile des homosexuels : «Maman se demande si le pape n'est pas gâteux»

Par Aurore Savarit-Lebrère — 

Le pape François, au Vatican, mercredi. Photo Guglielmo Mangiapane. Reuters

Pour faire suite aux propos du pape sur l'ouverture de sa religion à une union civile pour les couples LGBT, «Libération» est allé dans l'Ouest parisien, à la rencontre de cathos tradis. Outrés, ils estiment que François outrepasse son rôle et ouvre la voie à des évolutions qu'ils jugent dangereuses.

Un pape pro-pacs ? Depuis mercredi, de nombreux catholiques ont accueilli les propos du souverain pontife en faveur d’une union civile pour les gays et les lesbiennes, avec réticence. «Les personnes homosexuelles ont le droit à une famille, […] ce que nous devons faire est une loi de cohabitation civile», a ainsi déclaré le chef de l’Eglise catholique dans un documentaire présenté au Festival international du film de Rome, au grand désespoir d’une partie de sa communauté qui se sent trahie. Certains chrétiens peinent donc à accepter la nouvelle vulgate du pape. Et restent fixés sur les «Considérations relatives aux propositions de reconnaissance légale des unions entre homosexuels» publiées sous le pontificat de Jean Paul II en 2003 qui rejetaient toute union entre personne de même sexe. Libération en a rencontré quelques-uns dans l’Ouest parisien.

«J’ai appris la nouvelle…»

La famille d’Albane 25 ans, étudiante en droit, est choquée et ne se retrouve pas dans le discours du chef de l’Eglise catholique. «Ce n’est pas du tout le moment de s’occuper de ce genre de choses et puis ce n’est pas au pape de dire des choses pareilles… Son rôle est spirituel, pas légal», explique la jeune femme. «Maman se demande s’il n’est pas gâteux, ironise-t-elle. Non mais sérieusement, il dit ce qu’il pense mais il ne devrait pas, parce qu’il représente tous les catholiques, et en tant que représentant de Dieu sur terre c’est quand même bizarre de dire : "Voici ce que j’affirme contre l’avis de la moitié de mes fidèles…"»

Sortant de la messe de 18h30 de Notre-Dame-de-Grâce de Passy, Marie-Elisabeth est dans le doute. «J’ai appris la nouvelle… Je suis choquée vraiment, je pense que ça peut être dangereux d’en arriver jusque-là.» «Oui c’est sûr c’est dans leurs gènes d’être homosexuels, il ne faut pas les accabler, renchérit son amie en s’appuyant sur sa canne. Après je ne sais pas où cela peut mener, peut-être vont-ils utiliser cette union civile pour adopter un enfant, ça peut aller loin…»

«Jamais pu blairer le pape François» 

Les cathos les plus tradis accusent le pape de faire de la politique pour mieux récuser son rôle de guide moral et spirituel. «Ça ne me choque pas parce que je m’y attendais, moi le Pape jamais je n’écouterais son avis car il fait plus de politique que de religion.» :  Alexandre, 24 ans, «n’a jamais pu blairer le pape François» car «c’est un pontife qui sort de son rôle depuis très longtemps et qui est très progressiste». Ce qui «pose problème», assure-t-il ce n’est pas forcément de parler d’union civile entre homosexuels, «c’est que le pape donne un avis qui le sort de son rôle».

Qu’ils grossissent ou non les rangs de la Manif pour tous, chez ces fidèles l’antienne est toujours la même : accepter le Pacs, c’est ouvrir la porte à terme au mariage pour les homosexuels qui les rebute, puis à l’adoption voire à la création d’une famille, ce qui les horrifie. «A partir du moment où il a fait cette déclaration, tout le monde a commencé à se dire qu’il allait être pour le mariage au bout d’un moment, s’inquiète l’étudiant en histoire. Ce n’est pas Dieu lui-même, c’est un homme, mais tout de même un homme qui est à la tête de l’Eglise de Rome qui estime que la société bouge et qu’il faut que l’Eglise bouge avec la société.» Et Alexandre considère que «toutes les évolutions sociétales ne sont pas forcément bonnes» et «que le mariage et l’adoption pour les homosexuels font partie de ces progressions qui ne sont pas bonnes». Le jeune homme a beau insister sur le fait qu’il n’est pas homophobe, il estime que «le rôle de l’Eglise catholique n’est pas de dire que le problème est qu’il y ait des gens homosexuels – il ne faut pas être un homophobe complètement stupide  mais c’est de dire que le mariage en tant que tel, ou rien qu’une union en amour à la base, c’est une union entre un homme et une femme. Ça me paraît évident parce que le but d’une union c’est de fonder une famille et naturellement deux femmes ou deux hommes ne peuvent pas procréer.»

Quant à Victor, 20 ans, engagé contre le mariage pour tous, il se «fiche un peu de ce que fait ou dit le pape», mais «pense simplement que ce n’est juste pas cohérent avec la théologie qu’il est censé représenter». Pour le jeune photographe, ce n’est «certainement qu’une étape. Même si aujourd’hui, le pape dit qu’il est contre le mariage, il serait assez logique, au vu la pression de l’idéologie occidentalo-progressiste à laquelle même l’Eglise catholique a de la peine à résister, que le prochain pape se déclare pour le mariage ouvert à des couples de même sexe».

«La communauté LGBT est en mesure de demander plus de droits»

Paul, 20 ans, étudiant en ingénierie, est également engagé contre le mariage pour tous. «Personnellement, je ne m’oppose absolument pas à une union civile et un contrat juridique pour un couple de même sexe et je pense que la majorité des catholiques, en tout cas ceux de mon entourage, ne s’y opposent pas. Bien sûr, il y a des familles très attachées à des valeurs devenues presque ancestrales mais elles ne sont qu’en très faible minorité. Après il y a un point important, qui justifie l’opposition des catholiques au mariage homosexuel, c’est qu’après avoir acquis le mariage, la communauté LGBT est en mesure de demander plus de droits comme le droit à l’adoption [la loi ouvrant l’adoption aux couples homosexuels a été votée en 2013, ndlr] et d’autres projets qui s’opposent à l’éthique défendue par l’Eglise.»

Pour lui, l’annonce du souverain pontife est «courageuse» mais «un peu maladroite» «Historiquement, le pape est un symbole. Mais au fil des siècles, c’est devenu bien plus que ça, au point d’être aujourd’hui un philosophe de l’éthique religieuse. Et la position du pape François sur les problèmes sociétaux et éthiques sort de la lignée des positions de ses prédécesseurs, en particulier de celle de Saint Jean Paul II, dont la catéchèse est un point de référence pour de très nombreux catholiques dans le monde entier.» 



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