Clinicien et historien, il a formé de nombreux élèves dans la droite ligne de la psychothérapie institutionnelle et de l’approche psychanalytique. Très actif dans plusieurs institutions, il est mort le 13 septembre, à l’âge de 89 ans.
Né à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 11 août 1931, Jean Garrabé est mort à Paris le 13 septembre, des suites d’un mélanome. Auteur de nombreux livres sur l’histoire de la psychiatrie, excellent clinicien et remarquable historien, il a joué, comme Georges Lanteri-Laura (1930-2004) et Jacques Postel, un rôle important dans le champ clinique français par sa présence active dans de nombreuses institutions, revues et associations. Il a notamment été, pendant des années, le secrétaire général de la revue L’Evolution psychiatrique. A l’Institut Marcel-Rivière-MGEN, à l’invitation de Paul Sivadon (1907-1992), il a formé, de 1967 à 1997, de nombreux élèves dans la droite ligne de la psychothérapie institutionnelle et de l’approche psychanalytique.
Parmi une immense bibliographie, on retiendra son Histoire de la schizophrénie. Un siècle pour comprendre (Seghers, 1992), de nombreux articles savants, des ouvrages collectifs et, pour finir, en collaboration avec Jean Seidel, des Promenades dans le Paris de la folie (Eurotext, 2015), où l’on croise des écrivains (Balzac, Sade), des criminels (Landru), de la Conciergerie à l’hôpital Sainte-Anne et de Saint-Germain-des-Prés à la Bastille.
C’est à Madrid que Garrabé a poursuivi sa scolarité – sa mère était espagnole –, avant de revenir en France et d’entrer au lycée Henri-IV, à Paris. Après la deuxième guerre mondiale, il s’oriente vers des études de médecine. Interne des hôpitaux psychiatriques de la Seine en 1958, il soutient sa thèse avec Jean Delay (1907-1987), grand patron des traitements pharmacologiques, puis devient l’élève d’Henri Ey (1900-1977) – adversaire de Delay – et théoricien de l’organo-dynamisme, dont l’enseignement rayonne dans le monde entier, depuis qu’il a fondé, en 1950, l’Association mondiale de psychiatrie (World Psychiatric Association, WPA) et qu’il a pris l’habitude d’organiser, à l’hôpital de Bonneval (Eure-et-Loir), de fameux colloques réunissant des psychiatres et des psychanalystes de toutes tendances dans un esprit d’ouverture.
L’humiliation de Foucault
Ayant fréquenté tous les maîtres d’un savoir psychiatrique aujourd’hui disparu, Garrabé restera l’héritier de cet enseignement de psychiatrie dynamique qui préconise de soigner la folie selon une triple approche : psychique (psychothérapie), organique (chimique et génétique) et environnementale (conditions sociales), sans toutefois adhérer de façon dogmatique à une quelconque théorie. En outre, il aura d’excellentes relations avec les psychiatres du monde latino-américain : il appréciait le caractère éclectique de leur approche de la folie.
Parallèlement, il suit le séminaire délivré par Jacques Lacan à l’hôpital Sainte-Anne, où toute une génération vient s’initier, autant à la clinique des maladies mentales qu’à la conceptualité freudienne brillamment rénovée par celui qui est l’alter ego de Ey et l’ami de toujours : un ami passionnel. En mai 1968, alors qu’il est entré en analyse pour une très courte durée avec un membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris (SPP), il assiste à la mise en cause radicale du savoir psychiatrique par les tenants du mouvement antipsychiatrique anglais (David Cooper) et italien (Franco Basaglia) et par les « anti-œdipiens » français : Gilles Deleuze et Félix Guattari.
Mais, surtout, il participe au débat raté organisé par Henri Ey autour de la publication de l’ouvrage de Michel Foucault Histoire de la folie à l’âge classique, paru en 1961. Conscient du caractère « psychiatricide » de ce livre, Henri Ey invite Foucault à en débattre, lors d’une réunion qui se tient à Toulouse, en décembre 1969. Le philosophe ne viendra pas. Garrabé se souviendra toujours de l’humiliation infligée au « pape » de la psychiatrie. Et il en parlera trente ans plus tard, en 1991, lors d’un colloque de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP), en présence, notamment, de Georges Canguilhem, Jacques Derrida, Arlette Farge et Claude Quétel : un beau moment de joute intellectuelle.
Jean Garrabé pensait à juste titre que si la psychanalyse se séparait de la psychiatrie, les deux disciplines seraient balayées du champ de la santé psychique et mentale. Et il reprochait aux psychanalystes, notamment après la publication, en 2005, du Livre noir de la psychanalyse (Les Arènes), d’être incapables de s’unir pour mener le combat nécessaire contre l’antifreudisme. Mais il ajoutait toujours : « Pour bien prescrire des psychotropes ou pour diriger une institution psychiatrique, mieux vaut avoir fait une psychanalyse. »
Jean Garrabé en quelques dates
11 août 1931 Naissance à Berck-sur-mer (Pas-de-Calais)
1967 à 1997 Professeur à l’Institut Marcel-Rivière
1992 « Histoire de la schizophrénie. Un siècle pour comprendre »
2015 « Promenades dans le Paris de la folie »
13 septembre 2020 Mort à Paris
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