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Des cachets d’hydroxychloroquine.
Photo Louai Beshara. AFP
Lancé en mars, l’essai clinique britannique, le seul qui avait continué ses recherches sur la molécule après la publication de l’étude du «Lancet», a annoncé sans ambiguïté son inefficacité contre le Covid-19. D’autres traitements sont testés.
C’est un premier résultat scientifique majeur qui ne peut qu’être pris très au sérieux. Vendredi, les responsables de l’essai clinique britannique Recovery ont annoncé que l’hydroxychloroquine ne montrait pas «d’effet bénéfique pour les malades du Covid-19» et qu’ils suspendaient «immédiatement» l’inclusion de nouveaux patients pour ce traitement. «Il ne s’agit pas d’un traitement contre le Covid-19. Ça ne marche pas», a déclaré sans ambiguïté le professeur Martin Landray, de l’université d’Oxford, codirigeant de l’essai. «Ce résultat devrait changer les pratiques médicales dans le monde entier. Nous pouvons désormais cesser d’utiliser un traitement qui se révèle inutile», a-t-il ajouté.
Fin de «l’intense spéculation»
L’annonce est d’une importance capitale : Recovery est le principal essai clinique contrôlé et randomisé au monde, de par son ampleur (11 000 patients âgés de 1 à 109 ans dans 175 hôpitaux britanniques) et de par sa durée (lancé en mars, ils étaient les seuls à ne pas avoir suspendu leur recherche après l’écho tonitruant de l’étude du Lancet).
Martin Landray, professeur en médecine et épidémiologie, a souligné que «l’intense spéculation» autour de l’usage de l’hydroxychloroquine comme traitement pour le Covid-19 s’était déroulée jusqu’à présent «en l’absence d’informations fiables extraites d’un large essai randomisé». Ce n’est plus le cas et ces premiers résultats de Recovery, publiés au nom de «la santé publique», donnent le ton. «L’hydroxychloroquine ne réduit pas le risque de décès parmi les patients hospitalisés avec le Covid-19 […] Si vous êtes hospitalisés, ne prenez pas d’hydroxychloroquine», a-t-il insisté. Les chercheurs ont comparé 1 542 patients recevant de l’hydroxychloroquine à 3 132 malades bénéficiant des soins «standards». Pour eux, il n’y a pas de «différence significative» entre les deux groupes après 28 jours d’expérimentation, qu’il s’agisse du taux de mortalité (25,7% pour ceux traités avec la molécule, 23,5% pour les autres) ou de la durée d’hospitalisation.
Dès mardi, le professeur Landray avait prévenu que les premiers résultats de l’essai clinique, qui teste plusieurs traitements possibles pour soigner le Covid-19, ne seraient pas connus avant juillet. «Il y a peu de chances qu’il y ait un seul gagnant» dans les traitements, avait-il prévenu. Après la communication de vendredi, l’hydroxychloroquine semble donc parmi les perdants de cet essai. D’autres traitements - le Lopinavir-Ritonavir (utilisé pour traiter le virus du sida), l’Azithromycine (un antibiotique) et le plasma convalescent (prélevé chez d’ex-patients guéris du Covid-19) - sont toujours en cours d’expérimentation.
«Reconsidérer leur décision»
La suite ? L’OMS avait annoncé mardi la reprise de ses essais sur l’hydroxychloroquine, après les avoir brièvement suspendus le temps d’analyser les premières «données disponibles sur la mortalité» de son projet Solidarity. «Ils nous ont dit qu’ils allaient réunir leur comité pour reconsidérer leur décision», a expliqué le professeur Peter Horby, codirecteur de Recovery. Même chose à l’échelle européenne de l’essai Discovery. «Nos membres vont devoir aussi se réunir très rapidement», nous signale l’épidémiologiste Dominique Costagliola, experte au comité d’organisation de ce projet. Principalement porté par la France, l’essai est à l’arrêt et sa reprise doit être «encore discutée» avec l’Agence nationale de sécurité du médicament. La réaction de l’équipe de Didier Raoult ne s’est en revanche pas fait attendre : «Nous espérons que ces deux dernières semaines auront appris aux observateurs qu’il fallait lire les articles et analyser les données avant de réagir à chaud.»
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