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mardi 3 mars 2020

Que faire face aux souffrances psychiques de l'enfant ?

Par Eric Favereau — 


Photo C. Lyttle. Getty Images

Dans un livre mesuré et pédagogique, le professeur Bruno Falissard donne des répères pour épauler les enfants dans leurs souffrances mentales.

Bruno Falissard est une personnalité à part. Il a beau diriger l’une des plus importantes unités de recherche sur la psychiatrie, être professeur de santé publique, avoir fait l’Ecole polytechnique puis être devenu psychiatre, il a beau être membre de l’Académie nationale de médecine et être ancien président de l’Association internationale de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, il a acquis une sorte de modestie peu commune dans un univers bien souvent enclin aux prises de position péremptoires. Et cela est encore plus vrai dans le monde de la pédopsychiatrie où les querelles d’école ont bien souvent fossilisé les positions des uns et des autres.
Son livre – Soigner la souffrance psychique des enfants – en est un parfait exemple. Voilà un livre tranquille, sans esbroufe, pédagogique à souhait. Commençons par un rappel : «En France, au milieu du XVIIIe siècle, un enfant sur trois mourait avant son premier anniversaire, et un sur deux ne dépassait pas l’âge de 5 ans, essentiellement du fait de maladies infectieuses.» Aujourd’hui, le panorama a complètement changé : ces morts prématurées durant l’enfance ou l’adolescence ont presque totalement disparu. Pour autant, il y a des points noirs ; les enfants ne vont pas toujours si bien que cela.

Ainsi, selon une vaste étude de l’Organisation mondiale de la santé, «en France, pour les jeunes âgés de 5 à 14 ans, de façon inattendue, ce sont les maladies dites mentales qui ont les conséquences les plus importantes, suivies des troubles dus à une mauvaise alimentation. Enfin, pour la tranche d’âge allant de 15 à 29 ans, les maladies mentales dominent encore plus largement». Ce qui fait dire à Bruno Falissard : «C’est un changement radical dans notre façon de considérer le soin à apporter aux enfants…» Puis il s’interroge : «Est-il légitime de mettre sur le même plan d’un côté des maladies comme le cancer ou la méningite, et d’un autre des troubles psychiatriques comme l’anorexie mentale ou la dépression de l’adolescent ? La souffrance psychologique est-elle vraiment comparable à la souffrance induite par une maladie organique ?»

«Ecoute et support social essentiels»

Question basique. De façon très pragmatique, Bruno Falissard va décortiquer toutes les notions autour de la maladie mentale et de la souffrance chez l’enfant. Posant mille questions. De quelles souffrances parle-t-on ? Est-ce celle des parents, perdus devant un enfant suragité qui déstabilise la cellule familiale ? Ou est-ce la souffrance que cache une adolescente quand elle ne mange plus trop alors que son poids est limite, sans que pour autant sa santé soit mise en danger ? Et puis, qui doit prendre en charge ces souffrances ? Est-ce toujours au monde médical d’y répondre ? Faut-il ainsi consulter un pédopsychiatre ? Ou aller voir un psychologue ou faire de la thérapie familiale ?
Dans cette jungle de notions – douleurs physiques, douleurs morales, souffrances, souffrances physiques –, Bruno Falissard donne juste quelques repères. Il s’intéresse à la question des médicaments. Est-ce qu’ils peuvent apporter des bienfaits à l’adolescent, ou bien n’est-ce qu’un leurre ? Il n’y a pas de pilule miracle. «Le support social, l’écoute sont essentiels à l’accompagnement des enfants ou des adolescents vivant des moments difficiles», poursuit-il. Quant à la pédopsychiatrie, «elle rend parfois perplexe, concède-t-il, elle n’en est pas moins indispensable à toute société qui souhaite soigner ses jeunes les plus en souffrance, tant dans leur corps que dans leur esprit».
Une attitude de bon sens. Certains seront frustrés, mais Bruno Falissard est ainsi, mesuré. Quand on l’interroge sur la situation de crise dans les hôpitaux, il donne un exemple pour décrire les difficultés actuelles : «Quand une jeune adolescente arrive aux urgences pour une tentative de suicide, on sait a priori comment la prendre en charge. Des médicaments au départ, et deux trois séances de psychothérapie par semaine. Mais voilà, on sait que vu la crise actuelle, elle n’aura pas accès à ces séances. Que fait-on ? Comment, en somme, prendre en charge au mieux quand on sait que l’on va faire de la mauvaise médecine ?» C’est tout l’enjeu actuel.
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Soigner la souffrance psychique des enfants par Bruno Falissard, aux éditions Odile Jacob. 207 pages

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