Claudia Senik, économiste, et Pascal Bruckner, philosophe, tordent le cou au simplisme
Pascal Bruckner vient de publier Une brève éternité. Philosophie de la longévité (Grasset), Claudia Senik travaille sur l’économie du bonheur. Ils débattent pied à pied sur la réforme des retraites, les cycles de vie, la responsabilité des entreprises dans la gestion des âges… Sur un point au moins, ils sont d’accord : il est urgent de réfléchir sur les vingt ou vingt-cinq ans de vie supplémentaire dont bénéficient les générations actuelles.
La réforme des retraites inquiète beaucoup l’opinion. Mais au fond, que se passe-t-il quand on part à la retraite ?
Pascal Bruckner : Le mot retraite est une métaphore militaire qui évoque le renoncement, voire la déroute. Les pots de retraite sont toujours assez tristes. Derrière la célébration du partant ou de la partante, il y a cette idée qu’on ne comptera plus pour la société, qu’on devient inutile. On sait qu’on sera à la charge des autres, des générations qui nous suivent, et qu’il va falloir se trouver une place, un peu bancale, dans l’univers. Beaucoup de retraités tombent malades, font des dépressions. La retraite est une mort anticipée ! Bref, c’est une belle conquête sociale qui, comme souvent, tourne au détriment de ceux qui en bénéficient. À la fin du XIXe siècle, Bismarck avait choisi d’instaurer la retraite à 65 ans parce que c’était l’âge où les fonctionnaires de l’État prussien mouraient en moyenne ; mais aujourd’hui, les gens vivent jusqu’à 80 ou 90 ans. Cela a des conséquences radicalement différentes sur les plans social et individuel.
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