Des femmes portant des photos de victimes de féminicides lors d'une manifestation le 3 septembre 2019 à Paris. AFP
Avec le soutien du gouvernement, les députés ont adopté en première lecture la proposition de loi du député LR Aurélien Pradié qui prévoit une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales.
En guise de préambule, il a compté. Lentement, jusqu’à 117. Soit le nombre de féminicides conjugaux commis depuis le début de l’année 2019, et recensés mois après mois depuis deux ans par Libération. «Je sais ce que ce décompte peut avoir de glaçant, mais il devait résonner ici, dans cette Assemblée, comme il résonne depuis trop longtemps dans notre pays, pour ne pas nous habituer», a déclaré, le ton grave, le député LR du Lot Aurélien Pradié. L’élu défendait ce jeudi sa proposition de loi visant à lutter contre les violences conjugales, ce qui constitue, a-t-il insisté, une «absolue urgence». «C’est une réalité qui nous est insupportable», a assené la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.
Parmi les mesures adoptées ce jeudi en première lecture figure notamment la mise en place de bracelets électroniques antirapprochement à destination des conjoints violents, votée à l’unanimité. La mesure pourra s’appliquer en cas de condamnation pour violences conjugales assortie d’un suivi sociojudiciaire, dans le cadre d’un aménagement de peine, mais aussi à titre préventif, notamment dès la mise en place d’une ordonnance de protection. L’intéressé devra donner son accord, mais s’il refusait la mesure, le procureur en serait averti et des poursuites pénales pourront être engagées. En Espagne, ce dispositif instauré dès 2009 semble avoir fait ses preuves : tandis qu’en 2003, 71 féminicides conjugaux étaient à déplorer dans le pays, leur nombre a chuté à 47 en 2018. Ce qui prouve, a souligné Aurélien Pradié, qu’il est «possible d’agir». Et de mettre en garde que «sans moyens à la hauteur, il n’y a pas d’action réelle».
En déplacement à Berck (Nord), la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a annoncé mercredi que le ministère de la Justice allait débloquer une somme de 5,6 millions d’euros pour financer le déploiement d’un millier de bracelets électroniques, et plus 1,8 million d’euros par an pour leur fonctionnement.
Interdiction de posséder des armes en cas d’ordonnance de protection
Autre mesure adoptée ce jeudi, qui vise à étendre la possibilité de délivrer des ordonnances de protection: il sera désormais inscrit dans la loi que le fait de ne pas avoir porté plainte ne peut justifier un refus de ces ordonnances. Prévues par la loi depuis 2010, elles permettent aux juges aux affaires familiales d’évincer le conjoint violent du domicile et de lui interdire d’entrer en contact avec la victime. Or, elles demeurent encore largement sous-utilisées : en 2018, seules 3 332 ordonnances de protection ont été délivrées. En mai dernier, dans une circulaire, la Garde des Sceaux avait exhorté à en délivrer davantage et souligné le «caractère prioritaire de la lutte contre les violences conjugales». Un amendement porté par le député LREM du Val d'Oise Guillaume Vuilletet prévoit par ailleurs que l’acquisition et la détention d’une arme soient interdites aux personnes visées par une ordonnance de protection. D’après les données compilées par Libération depuis le 1er janvier 2017 sur les féminicides conjugaux, des armes à feu ont été utilisées dans 22,5% des cas.
Bien que porté par LR dans le cadre de la niche parlementaire de l’opposition, ce texte a reçu le soutien de la majorité et de députés de tous bords. Son rapporteur, Aurélien Pradié, a salué jeudi dans l’hémicycle un moment «d’union quasi sacrée derrière l’une des causes qui ne peuvent que rassembler».
Le gouvernement a ouvert le 3 septembre dernier un Grenelle des violences conjugales, qui prendra fin le 25 novembre. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été annoncées, comme la mise en place de 1 000 places d’hébergement d’urgence à destination des victimes, ou encore la généralisation de la possibilité de déposer plainte à l’hôpital. Chaque année en France, environ 220 000 femmes sont victimes de violences physiques et ou sexuelles. En 2018, 121 femmes ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex.
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