Un large front de syndicats des métiers du grand âge a appelé à la grève, mardi, pour dénoncer le manque de moyens accordés dans le projet de loi de finance de la Sécurité sociale.
Son visage ne laisse pas deviner son âge. Ginette Le Pit, 93 ans, en fauteuil roulant sous son parapluie, acquiesce en écoutant Odette Wandji, aide-soignante, lancer au micro : « Macron, réponds-nous ! Quand ça concerne les anciens, ça peut toujours attendre demain. C’est aujourd’hui qu’on a besoin de moyens ! »
Cette vieille dame chic venue de sa maison de retraite de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) et la salariée syndiquée CGT d’un Ehpad de Clamart (Hauts-de-Seine) se sont retrouvées, mardi 8 octobre, devant le ministère de la santé. Deux manifestantes parmi une petite centaine de professionnels du grand âge, venus crier sous les fenêtres du ministère d’Agnès Buzyn leur « déception », leur « indignation », leur « impatience », après les mesures annoncées pour les personnes âgées dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.
D’autres rassemblements ont eu lieu, en France, à l’occasion de l’appel à la grève lancé dans les Ehpad et auprès des salariés de l’aide à domicile par neuf syndicats (CGT, CFDT, UNSA, CFTC, CFE-CGC, FSU, UFAS, Solidaires, FA). De son côté, FO devrait appeler à la grève le 15 octobre.
Des crédits « totalement insuffisants », pour les syndicats
Les organisations réunies en intersyndicale depuis plus de deux ans dénoncent « les mesures totalement insuffisantes » inscrites dans le PLFSS : 210 millions d’euros pour la création de 5 200 postes dans les Ehpad, alors que l’intersyndicale réclame 40 000 postes (Ehpad et aide à domicile) dès l’année prochaine.
« Les aides-soignantes sont cinq pour faire soixante toilettes le matin. Autant vous dire qu’elles travaillent à la chaîne et qu’elles n’en peuvent plus », confie Héloïse Vallés, syndicaliste Sud et aide-soignante dans un Ehpad d’Arpajon (Yvelines). « Cinq mille postes créés en 2020, ce n’est même pas une aide-soignante pour chacun des sept mille Ehpad », résume Malika Belarbi, responsable du collectif national CGT Santé-personnes âgées. « Stop ! Ça suffit ! Ce n’est plus possible, s’indigne de son côté Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), à l’origine du mouvement avec l’intersyndicale. Nous disons tous à Emmanuel Macron et au premier ministre que c’est insuffisant et qu’il faut qu’ils agissent rapidement et concrètement. »
Les crédits accordés aux métiers de l’aide à domicile dans le PLFSS suscitent davantage encore la crispation des manifestants. Soit 50 millions d’euros accordés pour 2020. A l’unisson, les syndicats dénoncent une somme « indigente ». Ces crédits « sont totalement insuffisants », selon Bruno Lamy (CFDT Santé sociaux). « Les salariés attendaient des moyens pour 2019. Macron et Buzyn ne sont pas au rendez-vous », dénonce son collègue Michel Leclerc, secrétaire fédéral à la CFDT. « C’est que tchi !, se désole Estelle Pin, représentante du collectif aide à domicile de la fédération des organismes sociaux à la CGT. Les salariés s’appauvrissent de plus en plus. Les associations mettent la clé sous la porte ou sont reprises par le secteur marchand. C’est une catastrophe ! »
Un front contestataire qui s’élargit
Après la grève du 30 janvier et du 15 mars 2018, la grève du 8 octobre est la troisième journée de mobilisation organisée par l’intersyndicale et l’AD-PA. Mais cette fois, le front s’est élargi. Outre l’AD-PA, trois fédérations d’employeurs à domicile (UNA, Fehap, Fedesap) se sont déclarées solidaires du mouvement. « Le cabinet d’Agnès Buzyn nous avait laissé espérer en juin 150 millions à 200 millions d’euros pour l’aide à domicile dans le PLFSS. Ce qui est prévu, à ce stade c’est à peine 0,40 centime d’augmentation par salariée », regrette Franck Nataf, vice-président de la Fedesap. « On nous promettait un PLFSS d’amorçage, on a un PLFSS d’indifférence, voire d’incompétence », s’alarme Guillaume Quercy, président de l’UNA. Sans participer au mouvement, l’ADMR et Adessadomicile, deux autres fédérations d’employeurs à domicile, disent « partager les attentes » et « soutenir les revendications » des salariés.
Le 30 janvier, 30 % des salariés des Ehpad s’étaient déclarés en grève, selon la CFDT. Les organisateurs du mouvement se montraient moins optimistes sur l’importance de la mobilisation, ce 8 octobre, en attendant des chiffres mercredi. « A force de manifester, les gens se découragent. On sent un essoufflement », confiait Nathalie Frappier, cadre de santé dans un Ehpad de la région parisienne.
A ce stade le gouvernement n’a pas réagi et s’en tient à son calendrier. Missionnée par Agnès Buzyn, Myriam El Khomri doit rendre un rapport sur l’attractivité des métiers du grand âge, le 17 octobre. La présentation en conseil des ministres de la réforme consacrée à la prise en charge des personnes âgées promise par Emmanuel Macron est officiellement prévue pour « décembre ». Les attentes sont d’autant plus grandes que les promesses sont fortes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire