Aubépine et noisetier, joubarbe ou alchémille, verveine et millepertuis… Tour d’horizon des plantes qui rendent amoureux, protègent ou accablent. Aujourd’hui, les affaires de femmes.
L’alchémille, qui a donné leur nom aux alchimistes. Photo Emmanuel PIerrot
«L’unique médecin du peuple, pendant mille ans, fut la sorcière», rappelle l’historien Jules Michelet, dans l’étrange livre qu’il lui consacre. La guérisseuse du village connaissait les simples, ces plantes qui, à elles seules, sont remèdes, sans autre ajout, et soignait pour pas cher. L’équivalent du jardin de curé, cultivé dans les abbayes et les paroisses. Mais difficile d’aller toquer à ces portes pour des affaires de femmes… Faire passer un bébé dont on ne veut pas, ça ne se dit pas, même à confesse, sauf à la sorcière, femme aussi, femme avant tout. La faiseuse d’anges, qui pour ce forfait, a brûlé sur les bûchers.
Dans chaque village, la voisine, la grand-mère, la matrone glisse qui aller voir, qui a dans un coin de son jardin la rue, une plante d’apparence innocente, beau feuillage vert profond et floraison jaune discrète… Pour cette raison, une loi de 1921 l’interdit de culture. Elle est méditerranéenne, mais on en trouve trace même en Bretagne, soigneusement cultivée, cette hémorragique dangereuse, détestée des randonneurs car sa sève provoque des brûlures importantes sur la peau si on l’expose au soleil.
Quand le corps est fatigué des grossesses successives, les épousées recherchent de quoi couper la vigueur de leur mari. Les anaphrodisiaques sont recettes de sorcières. L’herbe aux eunuques, par exemple, appelée plus communément laitue vireuse, version sauvage de nos laitues de potager. Contre les règles douloureuses, l’armoise est souveraine, elle est plante de lune, et appartient à la flore des solstices, qui se cueille à la Saint-Jean. La science confirme sa vertu antispasmodique. Elle est aussi un puissant antibactérien et un anti-inflammatoire. Une pharmacie à elle toute seule.
L’alchémille est aussi efficace pour réguler les règles, favoriser l’accouchement, mais elle avait surtout la réputation au Moyen Age de rétablir une virginité perdue, comme de lutter contre l’impuissance masculine. Il fallait la cueillir au déclin de la lune, et baigner ce qui devait retrouver vigueur dans sa décoction. Alchémille, plante magique s’il en est, puisqu’elle a donné leur nom aux alchimistes, qui recueillaient les gouttes pendues à ses feuilles au matin. C’est une sudation naturelle de la plante, et non de la rosée. Seule cette eau pure pouvait entrer dans la composition de la pierre philosophale.
Série réalisée avec le concours de Frédéric Dupont, professeur en ethnobotanique à l’université de Lille, et Christophe Auray, auteur de l’Herbier des paysans, des guérisseurs et des sorciers (éd. Ouest-France)
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