Dans une étude publiée mercredi par l’Institut national d’études démographiques, trois chercheurs interrogent l’impact des femmes immigrées sur le taux de fécondité.
Les faits. Seulement les faits. Sans idéologie. Les trois auteurs de l’étude intitulée « La France a la plus forte fécondité d’Europe. Est-ce dû aux immigrées ? », réalisée pour l’Institut national d’études démographiques (INED), insistent sur ce point dès les premières lignes.
« Laissons les aspects idéologiques pour nous limiter aux faits », est-il indiqué en préambule. « Beaucoup de gens pensent que si le taux de fécondité est si élevé en France, le plus élevé de l’Union européenne, c’est parce que les immigrées font beaucoup d’enfants, explique l’un des auteurs, Gilles Pison, professeur au Muséum d’histoire naturelle et chercheur associé à l’INED. Les statistiques racontent une autre histoire. » Et ces chiffres balayent au passage plusieurs idées reçues.
Publiée mercredi 10 juillet, cette étude révèle que les femmes immigrées (c’est-à-dire nées étrangères à l’étranger et résidant habituellement en France, qu’elles aient obtenu la nationalité française ou pas) contribuent fortement aux naissances mais faiblement au taux de fécondité.
Les immigrées représentent 12 % des femmes en âge d’avoir des enfants et participent à hauteur de 19 % aux naissances en 2017. Si près d’un nouveau-né sur cinq a une mère issue de l’immigration – en progression de 3 points par rapport à 2009 –, la contribution des immigrées ajoute seulement 0,1 enfant au taux de fécondité national, qui passe ainsi de 1,8 à 1,9 enfant par femme. Leur incidence est donc limitée, même si elle est en légère progression par rapport à 2009.
Comme en France, les immigrées contribuent à augmenter le taux de fécondité dans la moitié des pays européens. Dans un pays sur quatre, elles sont trop peu nombreuses pour le modifier. En Islande et au Danemark en revanche, elles contribuent à le réduire.
« Fécondité élevée des natives »
Pour mieux comprendre, les auteurs donnent un exemple :
« Imaginons 75 femmes non immigrées (natives) et 25 immigrées, avec une moyenne identique de deux enfants par femme dans les deux groupes. Les immigrées contribueront aux naissances dans une proportion de 25 %, mais sans rien modifier au taux de fécondité. Leur contribution à la natalité tient simplement au fait qu’elles représentent 25 % des mères. »
Les immigrées n’alimentent donc pas forcément le taux de fécondité au prorata des naissances. « Pour que les immigrées contribuent fortement au taux de fécondité et pas seulement aux naissances, il faut à la fois qu’elles représentent une fraction importante des mères et que leur fécondité soit très supérieure à la moyenne », précisent les auteurs.
En France, le recensement indique qu’en 2017 les natives et les immigrées avaient respectivement 1,8 et 2,6 enfants, soit un écart de 0,8 enfant. « Cette impression que les immigrées ont beaucoup plus d’enfants n’est donc qu’une impression,commente le chercheur, qui était parvenu aux mêmes conclusions dans une étude menée il y a douze ans. C’est l’intérêt des statistiques, cela permet de remettre les choses en perspective. »
Par ailleurs, entre 2014 et 2017, la fécondité a reculé chez les natives comme chez les immigrées. Les femmes originaires des pays du Maghreb ont le taux de fécondité le plus élevé avec environ 3,5 enfants par mère. Elles sont suivies par les femmes nées en Afrique subsaharienne ou en Turquie, avec 3 enfants en moyenne.
« Les études sur la fécondité montrent par ailleurs que la seconde génération, c’est-à-dire les enfants d’immigrées qui sont nés en France, s’aligne sur les femmes nées de mères natives en ce qui concerne le nombre de naissances », souligne Gilles Pison. D’autres travaux, précise le chercheur, démontrent également que la fécondité des femmes de la première génération dépend de l’âge auquel elles sont arrivées en France :
« Celles qui sont arrivées jeunes adultes ont plus d’enfants que les natives, mais celles qui arrivent à un jeune âge ont le même nombre d’enfants que les natives. »
Si le taux de fécondité est si important, « cela ne vient pas tant de l’immigration que d’une fécondité élevée des natives », conclut l’étude. « Il faut donc chercher les explications ailleurs que dans la présence des immigrées », souligne le chercheur. Notamment dans les politiques publiques de soutien à la famille, particulièrement incitatives en France.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire