Le Comité consultatif national d’éthique se prononce de nouveau en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes.
La balle est désormais dans le camp du législateur. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public, mardi 25 septembre, son avis sur la loi de bioéthique à venir. Objectif, infléchir ce texte révisé pour la dernière fois en 2011 pour en faire« une loi de confiance dans l’individu sur les grandes avancées des sciences plutôt qu’une loi d’interdiction », selon les mots de son président, Jean-François Delfraissy. Pour cela, le CCNE suggère plusieurs ouvertures, notamment en matière de recherche sur les embryons surnuméraires, de possibilités d’accès des couples ayant un projet parental au diagnostic préconceptionnel ou de transfert in utero d’un embryon préalablement conservé après le décès de l’homme faisant partie du couple. Le comité réaffirme également sa position favorable à la procréation médicalement assistée (PMA) – ou assistance médicale à la procréation (AMP) – pour les couples de femmes ou les femmes seules.
Au-delà, le CCNE a exploré des domaines essentiels dans lesquels il s’était jusque-là peu aventuré comme santé et environnement ou numérique et santé. « Le numérique modifie complètement l’organisation de notre système de santé. Il pose aux individus la question de leur accord pour entrer dans des bases de données et plus globalement de la place du consentement dans la médecine de demain », souligne Jean-François Delfraissy.
- Procréation
Sur cette thématique parmi les plus attendues et les plus clivantes, le CCNE se prononce de nouveau – il l’avait déjà fait dans son précédent avis en juin 2017 – en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules qui souhaitent procréer sans partenaire masculin grâce à un don de sperme. Aujourd’hui, la PMA est réservée aux couples hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement constatée. En revanche, le CCNE réaffirme l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA). « Sur l’AMP, nous sommes très sensibles à ce que nous avons entendu, sans pour autant avoir changé d’avis sur ce sujet qui ne fait pas consensus, même au sein du CCNE. Fondamentalement, il y a quelque chose de très différent entre AMP et GPA, justifie Jean-François Delfraissy. Avec la GPA, il y a un processus possible de marchandisation du corps humain. Avec l’ouverture de l’AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, il n’y a pas de “nuisance”. »
- Autoconservation des ovocytes
Le CCNE est favorable à la possibilité de la « proposer, sans l’encourager », à toutes les femmes qui le souhaitent, après avis médical. « Nous avons un peu évolué par rapport à notre avis rendu en juin 2017, précise Jean-François Delfraissy. Nous étions partagés, mais l’écoute des sociétés savantes et des femmes elles-mêmes nous a fait nuancer notre position. L’un des arguments est que médicalement, c’est un peu moins lourd qu’on ne l’avait imaginé. A partir du moment où les femmes l’ont décidé, au nom de quoi le leur refuserait-on ? »
- Accès aux origines
Le Comité d’éthique souhaite « que soit rendue possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme, pour les enfants issus de ces dons. Les modalités de cette levée d’anonymat devront être précisées et encadrées, dans les décrets d’application, notamment en respectant le choix du donneur ».
- Fin de vie
Si le sujet divise, « il y a un consensus sur le fait que les conditions de la fin de vie en France ne sont pas bonnes », relève Jean-François Delfraissy. Le Comité d’éthique propose de ne pas modifier la loi Claeys-Leonetti de 2016 (droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès), mais insiste sur « l’impérieuse nécessité que cette loi soit mieux connue, mieux appliquée et mieux respectée ». « Une fraction de personnes estiment que la fin de vie relève d’une décision individuelle. Nous n’allons pas jusque-là. Mais il faut explorer le plus loin possible cette loi et obtenir impérativement un plan de développement des soins palliatifs avec le budget ad hoc », insiste le président du CCNE. Le comité souhaite aussi que soit réalisé un travail de recherche pour étudier un certain nombre de situations exceptionnelles auxquelles la loi actuelle pourrait ne pas répondre.
- Embryon
Oui aux nécessaires recherches sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental ; non à la construction d’un embryon à des fins de recherche, préconise le CCNE. Le comité souhaite aussi « ne plus soumettre la recherche sur l’embryon et celle sur les cellules souches au même régime juridique ». « Deux problèmes totalement différents, selon le président du CCNE. Le premier est celui de ce qu’est l’embryon et de ce que l’on peut faire ou ne pas faire. L’enjeu avec les cellules souches n’est pas leur origine, mais ce qu’on en fait. Actuellement, il n’y a aucune régulation. »
- Génomique
« Le séquençage à haut débit du génome est accessible sur Internet, bien que cette pratique soit interdite en France, et il se fait à des coûts de plus en plus bas. Les résultats vont dans des bases de données américaines », constate Jean-François Delfraissy. S’il ne souhaite pas une ouverture au diagnostic génétique à toute la population, le comité prône la mise en place rapide d’une étude sur le retentissement qu’aurait un tel diagnostic en population générale. En revanche, il suggère d’ouvrir l’accès au diagnostic préconceptionnel à des couples ayant un projet parental et souhaitant connaître la présence éventuelle de certaines anomalies génétiques, même en l’absence de signes les faisant suspecter. Cela se ferait d’une manière encadrée, sur prescription d’une équipe médicale spécialisée avec remboursement par l’Assurance-maladie.
- Numérique et santé
« C’est un sujet essentiel, qui est traité pour la première fois dans le cadre des lois de bioéthique, souligne Jean-François Delfraissy. Avec les bases de données de l’Assurance-maladie, la France dispose d’un atout majeur, et peut encore être un acteur dans ce domaine. Il ne faudrait donc pas rentrer dans une logique trop bloquante de réglementation au prétexte des craintes individuelles. » Le CCNE préconise un cadre qui « permettrait de renforcer l’efficacité et l’efficience de notre système de santé, tout en conservant la souplesse opérationnelle nécessaire à l’accompagnement de l’innovation ». La révolution numérique ne doit cependant pas pénaliser les citoyens qui n’ont pas accès cette technologie. Ces derniers, qui représentent 20 % à 22 % des Français, selon le professeur Delfraissy, sont souvent des personnes âgées, migrantes ou en situation de fragilité qui ont le plus besoin du recours aux soins.
- Santé et environnement
Sujet majeur de préoccupation dans la société, ce thème a été assez peu pris en compte dans la concertation citoyenne, note le CCNE. Le comité préconise des réflexions multidisciplinaires sur ce champ « dont les résultats permettraient de soutenir mieux qu’aujourd’hui les décisions politiques », estime-t-il. Il souhaite en particulier impliquer les entreprises.
- Don d’organes
Le CCNE met l’accent sur la réduction des inégalités régionales en matière d’offre de greffons et en particulier celles les plus marquées entre l’outre-mer et la métropole. L’autre recommandation vise à donner un « statut » aux donneurs vivants pour qu’ils ne supportent pas les conséquences financières de leur geste généreux.
- Neurosciences
« La génomique et les grandes bases de données n’ont pas encore totalement pénétré ce domaine et les aspects pratiques demeurent assez lointains », analyse Jean-François Delfraissy. Le CCNE est hostile à l’application d’une technique médicale donnant des indices sur l’activité cérébrale (IRM fonctionnelle) dans le domaine judiciaire, le « neuromarketing », la sélection à l’embauche ou les assurances.
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