Moncef, rencontré au centre d’hébergement de la rue Saint-Paul, à Paris. Photo Livia Saavedra pour Libération
Ceux qui dorment dehors le font par «choix», avaient commenté des responsables LREM. Ils ne seraient qu’«une cinquantaine», avait estimé un secrétaire d’Etat. Un SDF, rencontré par «Libération», interpelle Emmanuel Macron.
«Monsieur le Président, écoutez un pizzaïolo sans abri. Je m’appelle Moncef, je suis né en Tunisie. Je suis arrivé l’été dernier de Pise, où j’ai passé plusieurs années. J’ai laissé mon fils de 20 ans en Italie pour travailler à Paris, chez Pizza Burger. Il y a deux semaines, vous êtes allé dans mon pays, en Tunisie, pour y faire vos beaux discours. Vous avez déclaré que nos deux peuples étaient frères. Monsieur Macron, regardez : je suis en France, je travaille et je n’ai pas de toit. Je ne demande pas la bella vita, juste une petite chambre et la dignité. Regardez, là, mon portefeuille : j’ai une carte bleue, un permis de conduire, tous les papiers qu’on puisse imaginer. Pourtant, tous les soirs, j’appelle le 115. Tenez, monsieur Macron, essayez une fois. Composez le 115. Vous allez patienter deux, trois heures, avant de décliner votre vie de A à Z. Chaque jour, c’est le même cirque. Avec un peu de chance, ils vous trouveront une place dans un centre d’accueil.
«Moi, le mois dernier, on m’a envoyé dans le centre de la Boulangerie, dans le XVIIIe arrondissement. J’y suis resté une heure, avant de fuir. Là-bas, c’est sale, dégoûtant. C’est la Libye. C’est la honte de la France. Pouvez-vous passer une nuit entouré d’ivrognes, de drogués, de malades ? Dans les locaux, il y a des souris, de la pisse et de la merde. Restez-y une heure, vous allez tomber malade. Dans chaque CHU [centre d’hébergement d’urgence], les gens m’ont pris par le coude, m’ont dit "Restez, on va trouver un coin pour vous". Sérieusement ! Trouver un coin ? Si vous deviez choisir, pour passer la nuit, entre la rue et des toilettes sales, où iriez-vous ? Dans la rue, bien sûr ! Alors sachez que certains centres d’accueil sont pires que des toilettes. C’est pour ça que, quand il neige, certains préfèrent marcher dans la rue ou dormir dans le métro. Ceux qui y vont encore [dans les centres délabrés, ndlr]ont abandonné toute dignité. Ils sont en dessous de tout ça. Voilà pourquoi nous sommes autant dehors en hiver. Ce n’est pas un choix. Loin de là. Je veux garder ma dignité, monsieur. Je ne veux pas passer mes nuits dans les gares. Je ne suis pas en colère contre vous, monsieur le Président, mais il faut nous aider.»
(Recueilli par Paul Leboulanger)
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