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vendredi 16 février 2018

La norme est-elle normale ?

Pour décider que quelque chose est « normal », nous prendrions en compte ce qui nous semble être le plus fréquent et idéal. Cette perception variant aussi en fonction du caractère extrême de ce à quoi nous avons été exposés auparavant...

Le Monde  Par 
Carte blanche. Un président se veut « normal », alors que l’autre pense être un « génie stable ». Est-ce normal ? Comment répondre à cette question ? On pourrait penser que ce qui nous paraît normal correspond à ce que l’on observe le plus fréquemment. Dans ce cas, quel que soit le domaine, il nous suffirait de faire un rapide calcul ­statistique pour savoir ce qui est normal. Mais Adam Bear et ses collaborateurs de l’université de Yale ont récemment démontré dans une série d’expériences que le jugement de normalité va au-delà d’un simple jugement de familiarité. Pour décider que quelque chose est normal, nous prendrions en compte non seulement ce qui nous semble être le plus fréquent, mais également ce qui nous semble être idéal.

Pour arriver à cette conclusion, ces chercheurs ont demandé à des sujets de répondre à des questions renvoyant à des domaines très différents comme le nombre ­d’heures passées devant la télévision ou de boissons sucrées bues par semaine, le temps d’attente chez le médecin, le nombre d’amoureux au cours d’une vie ou encore la fréquence des appels téléphoniques à ses ­parents…

Pour chacune de ces questions, les participants devaient indiquer ce qui leur paraissait être la moyenne, ce qui devrait s’observer dans l’idéal et ce qui leur semblait normal. Les résultats montrent clairement que ce qui semble normal correspond à une moyenne entre ce qui est considéré comme « habituel » et ce qui semble être le plus « souhaitable ». Ce serait donc grâce à un ­apprentissage statistique mais également moral que nous serions en mesure de décider de ce qui est « normal ». Mais cette norme est-elle stable ou évolue-t-elle au cours de notre vie, en particulier du fait des situations, événements, comportements et discours auxquels nous sommes exposés en permanence ?

Effet des extrêmes

Récemment, Gabor Simonovits, de l’université de New York, s’est posé la question de ­savoir si des propositions politiques ou ­sociales extrêmes pouvaient faire évoluer ce qu’une personne peut considérer être ­politiquement au centre. Ainsi, est-ce ­qu’interdire l’entrée des musulmans sur le sol américain comme l’a souhaité Donald Trump ou proposer un système de santé gratuit pour tous comme l’a fait Bernie ­Sanders pourraient modifier ce que des ­sujets considèrent être une position centriste dans chacun de ces domaines ? Dans un premier temps, des mesures économiques ou ­sociales plus ou moins libérales ou conservatrices ont ainsi été proposées à plus de 4 000 Américains.

Ensuite, ces sujets devaient juger si une mesure était plutôt libérale, au centre ou conservatrice. L’étude montre clairement que les jugements sont affectés par ce à quoi les sujets ont été exposés auparavant. Une proposition qui aurait été jugée conservatrice dans l’absolu va ainsi être considérée comme centriste par un sujet qui aurait été exposé auparavant à un discours d’extrême droite. Tout se passe donc comme si le centre était attiré vers la position extrême proposée au sujet juste avant qu’il ne fasse son jugement. Les discours extrémistes pourraient ainsi modifier notre perception de la norme à notre insu…

Après l’élection de Donald Trump, le cri de ralliement de ses détracteurs fut : « Ce n’est pas normal ! » Pas étonnant si l’on considère comme normal ce qui nous apparaît comme souhaitable et fréquent. Les Américains finiront-ils par s’habituer ? Rien n’est moins sûr si l’on en croit les informations qui nous parviennent chaque jour de la Maison Blanche. On peut raisonnablement penser que ce sera plutôt à son locataire d’adapter progressivement son comportement pour pouvoir un jour mériter le qualificatif de « normal » qui, pour l’instant, reste l’apanage de notre précédent président…

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