Par Thomas Frénéat 16/02/2018
IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – La révélation est reprise dans de nombreux médias, en 1998 Lyon Capitale dévoile que 2000 patients ont été exterminés au Vinatier sous le régime de Vichy.
Tout est parti d'un livre. Un ouvrage signé Patrick Lemoine, chef de service au Vinatier qui en 1998 révèle une sombre page de l'histoire lyonnaise. Pendant la seconde guerre mondiale, 2000 malades mentaux internés au Vinatier seraient morts de faim et de froid. L'eugénisme hitlérien dans son expression la plus terrible a déferlé sur les malades, les condamnant à "manger leurs doigts, ou leurs excréments" pour tenter de survivre. Dans une interview poignante, l'auteur de Droit d'asiles livre à Lyon Capitale les détails d'un événement sordide et méconnu du grand public, qui rappelle que Lyon a subit de plein fouet les horreurs de la guerre.
Un article de Lyon Capitale n°158 paru le mercredi 11 février 1998, signé par Aude Spilmont.
2 000 malades exterminés au Vinatier
Le livre fait l'effet d'un pavé dans la mare. Droit d'asiles, signé par Patrick Lemoine, chef de service à l'hôpital du Vinatier dévoile une page peu glorieuse de notre histoire. Au cours de la seconde guerre mondiale, dans l'indifférence générale, 2 000 malades mentaux sont morts de faim et de froid au Vinatier, comme dans bien d'autres hôpitaux psychiatriques de France. Une extermination "douce", étrangement étouffée pendant des décennies, que Patrick Lemoine retrace comme un devoir de mémoire. Entretien.
Lyon Capitale : Que s'est-il passé précisément au Vinatier pendant la seconde guerre mondiale ?
Patrick Lemoine : En France pendant la guerre, alors que les hôpitaux généraux ont eu le droit à des cartes de suralimentation, les hôpitaux psychiatriques ont été totalement oubliés par les autorités de Vichy. Or si la population civile a pu se débrouiller pour s'approvisionner grâce au marché noir et au système D, les malades mentaux ont, quant à eux, vécu dans des conditions effroyables. Les descriptions faites par les témoins de l'époque sont accablantes. Faute de nourriture suffisante, de nombreux malades mangeaient leurs excréments et leurs paillasses. On relate également des batailles épouvantables entre internés pour un quignon de pain ainsi que des délires lilliputiens : les patients prenaient leurs doigts pour des petits personnages et les dévoraient. C'est dans ce contexte tragique que 2 000 malades sont morts de faim et de froid au Vinatier pendant la guerre. Cette mortalité est sans commune mesure avec celle constatée dans les hôpitaux généraux et a fortiori, dans la population générale.
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