Un dysfonctionnement mitochondrial serait-il le « lien entre l’antibiothérapie et un risque accru » de troubles psychiatriques ? Commentant un article paru dans Acta Psychiatrica Scandinavica sur « les infections, l’exposition à des agents anti-infectieux, et le risque de troubles mentaux sévères »[1], le professeur William Regenold (exerçant à la Faculté de Médecine du Maryland, à Baltimore, aux États-Unis) rappelle que les auteurs de cet article évoquent certes les effets des processus infectieux et inflammatoires sur le cerveau, des altérations du microbiote, des facteurs génétiques ou dans l’environnement, mais qu’ils « omettent de mentionner le dysfonctionnement mitochondrial induit par une antibiothérapie. »
William Regenold note que ce phénomène est pourtant reconnu désormais et relié notamment « à la fois à la schizophrénie et à des troubles affectifs », grâce à des études cliniques, des recherches post-mortem sur le cerveau, et des travaux sur modèles animaux. Certains antibiotiques peuvent induire ainsi des effets adverses incluant une ototoxicité, une souffrance neurologique voire une aplasie médullaire (myelosuppression) « résultant de la toxicité (de ces antibiotiques) pour les mitochondries. »
La mitochondrie, un vestige de bactéries
Il est probable que cette toxicité soit due au fait que les mitochondries représentent des vestiges évolutifs d’anciennes bactéries, désormais intégrées dans notre organisme à titre d’organites cellulaires (selon la théorie endosymbiotique)[2]. Partageant ainsi une structure et des composants apparentés à ceux des bactéries, nos mitochondries se révèlent donc vulnérables aux agents antibiotiques prescrits contre les bactéries, selon des mécanismes d’action similaires, comme le dérèglement de la synthèse protéique.
Cet impact indésirable des antibiotiques sur les mitochondries pourrait affecter notamment le cerveau, en raison d’un passage de ces molécules « à des degrés divers » à travers la barrière hémato-encéphalique. En définitive, les traitements antibiotiques risqueraient d’altérer le fonctionnement des mitochondries cérébrales, surtout avec les antibiotiques à large spectre, pour lesquels on constate une « association avec une augmentation maximale du risque de maladie mentale sévère. »
Si cette hypothèse ne rend pas compte de la totalité des maladies mentales (antérieures bien sûr à l’introduction des antibiotiques), elle peut contribuer à expliquer leur inflation, et devrait « être éclairée ultérieurement » par des recherches approfondies pour préciser « les risques psychopathologiques, encourus selon les différentes classes d’antibiotiques. »
[1] O. Köhler & al.: Infections and exposure to anti-infective agents and the risk of severe mental disorders: a nationwide study. Acta Psychiatr Scand 2017;135:97–105.
Dr Alain Cohen
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