Une résistance active est considérée comme normale lors d'un viol. Cependant des études ont montré que comme les animaux, les humains exposés à une peur extrême peuvent réagir par une absence totale de réaction, une inhibition motrice temporaire connue sous le nom d'immobilité tonique. Chez les animaux, cette situation d'immobilité tonique, involontaire, s'oppose à la thanatose qui, elle, est volontaire. L'immobilité tonique est une réaction de défense face à un prédateur lorsqu'aucune résistance ni aucune échappatoire ne sont possibles.
Le but de cette étude prospective est d'évaluer l'incidence de « l'immobilité tonique » pendant un viol en se basant la Tonic Immobility Scale, ainsi que l'incidence d'un état de stress post-traumatique (ESPT) ou d'une dépression sévère qui s'ensuivent.
Elle a été menée au Centre d'urgence pour les victimes de viols de Stockholm. Ce centre propose un examen médico-légal au cours du premier mois suivant une agression sexuelle. Il accueille annuellement environ 600 femmes dans les suites d'une agression sexuelle.
Entre février 2009 et décembre 2011, sur 1 047 femmes éligibles, 298 ont été suivies pendant toute la durée de l'étude, à la suite d'un viol ou d'une tentative de viol ; 189 d'entre elles ont été revues à six mois pour diagnostiquer les complications telles qu'un ESPT ou une dépression, grâce à différentes échelles appropriées.
Une absence de réaction sept fois sur dix
Sur les 298 femmes, 70 % ont signalé une immobilité tonique et 48 % une immobilité tonique "extrême" pendant l'agression, en particulier en cas de violences physiques concomitantes ou de pénétration (deux fois plus). Un traumatisme sexuel antérieur dans l'enfance ou à l'âge adulte était associé à un état d'immobilité tonique (Odds ratio [OR] = 2,36 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 1,48-3,77, p < 0,001) de même qu'un traitement psychiatrique antérieur (OR = 2,00 ; IC95 : 1,26-3,19, p = 0,003).
Par rapport aux réactions de défense, l'immobilité tonique était associée à six mois au développement d'un état de stress post traumatique (51 % vs 28 %, OR = 2,75 ; IC95 : 1,50-5,03, p=0,001) ou d'une dépression sévère (34 % vs 14 %, OR = 3,42 ; IC95 : 1,51-7,72, p = 0,003).
L'immobilité tonique durant un viol est donc fréquente, souvent compliquée d'état de stress post-traumatique ou d'une dépression sévère. La connaissance de cette réaction est importante à connaître en matière légale et pour le suivi médical. Les enquêteurs et les juges, tout comme le grand public, doivent définitivement abandonner l'idée que les victimes d'agression sexuelle se défendent activement, et qu'une passivité serait synonyme de consentement. D'autre part, cet état de sidération est souvent vécu avec culpabilité par les victimes : les explications données par les personnes les prenant en charge devraient atténuer ce sentiment. Enfin, la fréquence des complications psychiatriques impose un suivi spécifique.
Dr Charles Vangeenderhuysen
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