On connaît l’histoire du jeune psychiatre, épuisé par ses difficultés professionnelles, mais surpris de voir son aîné toujours guilleret. Il finit donc par l’aborder :
– Mon cher confrère, ne pouvant plus supporter les souffrances des patients, je suis accablé ! Je vais craquer à mon tour ! Mais vous, comment pouvez-vous tenir bon depuis toutes ces années ? Quel truc avez-vous pour résister au flot des malheurs humains auxquels nous sommes toujours confrontés ? Et son aîné de lui répondre :
– Comment, mon jeune ami ? Plaît-il ? Ah, zut, c’est vrai, j’ai encore oublié de changer la pile de mon sonotone !...
Si ce phénomène d’épuisement professionnel (le tristement célèbre burnout) n’épargne pas les médecins, aucune étude n’avait encore été consacrée, plus particulièrement, aux psychiatres en formation. Réalisée en mai et juin 2014 par l’Université de Colombie Britannique à Vancouver (Canada), une étude a ciblé « les résidents de tous les programmes canadiens de formation en psychiatrie. » Collectant notamment les évaluations à une échelle de type Likert (dans laquelle la personne interrogée exprime son degré d'accord ou de désaccord vis-à-vis d'une affirmation), cette enquête obtient un taux de réponses de 48 %, avec la participation effective de 400 futurs psychiatres.
Environ un participant sur 5 (84 résidents, soit 21%) se déclarent concernés par une situation de burnout, ce contexte d’épuisement au travail se révélant « plus fréquent chez les résidents de seconde année » (residents in postgraduate year 2) que chez leurs confrères plus jeunes ou plus âgés. Et, de façon paradoxale, on observe une association entre un burnout et « un engagement dans une psychothérapie personnelle » durant le résidanat !
En revanche, les auteurs ne constatent pas d’autre facteur de risque prédisposant au burnout, en particulier « aucune association significative entre l’épuisement professionnel et l’âge du résident, son sexe, ni le lieu de son résidanat. » Mais les résidents évoquant une symptomatologie d’épuisement professionnel « déclarent un fonctionnement empathique compromis », se disent « moins enclins à consulter leur superviseur à propos de leurs expériences cliniques stressantes », et se montrent « plus susceptibles de se tourner vers de mauvaises stratégies d’adaptation ». Pour les auteurs, la fréquence du burnout et son association possible avec un « fonctionnement clinique et personnel problématique » suscite des « zones d’inquiétude » pour les responsables de la formation des futurs psychiatres au Canada.
Dr Alain Cohen
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