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Attendu, le rapport de Michel Laforcade sur la santé mentale se veut force de propositions pour accompagner la mise en œuvre de la loi de Santé dans ce domaine. Selon lui, un nouveau texte de nature réglementaire doit établir la feuille de route pour les ARS en matière d'organisation territoriale de la santé mentale.
Tout comme le Conseil national de la santé mentale s'est fait attendre, le rapport de Michel Laforcade relatif à la santé mentale s'est lui aussi fait désirer. L'installation du premier ce 10 octobre par la ministre de Affaires sociales et de la Santé aurait-elle débloqué la publication officielle du second ? Il semblerait, puisque le rapport, issu d'une mission confiée au directeur général de l'ARS Aquitaine en novembre 2014, aurait été remis dès 2015 pour alimenter la loi de Santé. In fine, daté d'octobre 2016, le rapport est diffusé en toute discrétion sur le site du ministère ce 12 octobre 2016. Il y est présenté en deux phrases, tirées de l'avant-propos-même du rapport : "Le présent rapport a pour objet d'élaborer des réponses concrètes permettant d'accompagner la mise en œuvre de la loi de modernisation de notre système de santé sur la question de la santé mentale. La question n'est pas tant de redire dans quel sens doit évoluer le système de santé que de proposer comment y parvenir, avec quels leviers, quelles alliances, quelles coopérations entre acteurs, quelles méthodes et quels moyens."
Des propositions peu onéreuses ou envisageables par redéploiement
S'appuyant sur l'idée que la santé mentale et la psychiatrie constituent "un enjeu de santé majeur", que des innovations depuis plusieurs années dans le domaine témoignent d'une faculté d'adaptation des professionnels et que "le parcours n'est pas un concept creux ni galvaudé", Michel Laforcade émet une série de propositions. Elles se destinent à éviter les ruptures de prise en charge et à améliorer les parcours de santé et de vie ; à faire évoluer les pratiques professionnelles, les métiers et la formation ; ou encore à renforcer la citoyenneté et les droits des personnes malades, et à lutter contre la stigmatisation de la santé mentale. Il précise que la majorité des propositions formulées sont peu onéreuses ou peuvent être envisagées par redéploiement.
Quelques propositions
- améliorer l'articulation entre soins somatiques et soins psychiatriques ainsi qu'entre acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux par des équipes spécialisées dans tous les CH pour accueillir les personnes handicapées psychiques, une contractualisation entre structures, des conseils locaux de santé mentale... ;
- développer les relations entre médecin traitant et psychiatrie via par exemple une consultation d'avis spécialisé et de suivi conjoint ou un numéro unique à disposition des médecins généralistes ;
- mettre en place une prise en charge plus précoce par divers moyens tels que des dispositifs expérimentaux intersectoriels d'intervention précoce ou des centres ressources régionaux handicaps psychiques ;
- renforcer la continuité et la diversité des soins et de l'accompagnement par le développement des techniques cognitivocomportementale, la remédiation cognitive, les programmes de psychoéducation, la télémédecine... ;
- développer la culture de l'évaluation en psychiatrie pour rejoindre les préoccupations d'une médecine fondée sur les preuves ;
- favoriser les délégations de compétences et de tâches comprenant une précision claire de la fonction des psychologues dans les établissements de santé et médico-sociaux ;
- développer les groupes d'entraides mutuelles (Gem) et créer des associations d'anciens usagers sur le principe de l'entraide par les pairs ;
- agir en direction de la sphère médiatique par un jumelage des promotions d'internes en psychiatrie et de celles des journalistes ou via une charte de communication positive en psychiatrie.
"Le centre de gravité du dispositif doit devenir le domicile, l'hôpital l'exception."
Le directeur général de l'ARS Aquitaine souligne par ailleurs que "recherche, évaluation et formation sont indissociables". Il invite dès lors à investir dans la promotion et la mise en œuvre de modalités de recherche et d'élaboration de recommandations. Il explique aussi que "le centre de gravité du dispositif doit devenir le domicile, l'hôpital l'exception". Plusieurs secteurs français sont d'ailleurs déjà dans cette logique. Et ces exemples sur le territoire montrent bien qu'un fort investissement sur l'extrahospitalier permet de limiter le nombre d'hospitalisations. Il s'agit alors d'"aller vers", les professionnels se déplaçant là où l'on a besoin d'eux.
Un nouveau texte fondateur comme feuille de route des ARS
Michel Laforcade écrit par ailleurs que ses propositions pourraient trouver une traduction opérationnelle dans un texte fondateur de nature réglementaire. Il fixerait, en lien avec les professionnels concernés, la feuille de route des ARS en matière d'organisation territoriale de la santé mentale. Ce texte aurait ainsi une double vocation : déterminer des objectifs de santé publique en lien avec le Haut Conseil de la santé publique ; s'assurer que la population dispose d'un "panier de services disponibles" sur l'ensemble du territoire. Ce panier de services se composerait :
- de missions reprécisées (offre de dépistage, de diagnostic précoce, de soins et de prévention ; possibilités d'hospitalisation psychiatrique en établissement sanitaire ou à domicile ; orientation vers les organismes de réinsertion sociale adaptés ; structures sectorielles ou intersectorielles spécialisées ; programmes de recherche ; évaluation des pratiques professionnelles, etc.) ;
- d'un dispositif de soins (permanence téléphonique 24h/24 pour les usagers et les professionnels ; réponse aux besoins sous forme ambulatoire et en hospitalisation ; centres médicopsychologiques ; de lits d'hospitalisation en service libre comme sans consentement ; spécificité pour la psychiatrie infanto-juvénile ; liaisons entre les personnels impliqués notamment avec le premier recours...) ;
- d'un dispositif d'insertion sociale (préservation des droits ; maintien de la scolarité et apprentissage d'un métier ou d'un emploi ; développement des établissements et services d'aide par le travail (Esat) ; généralisation des groupes d'entraide mutuelle (Gem) ; déploiement des clubhouses...) ;
- des gestionnaires de cas complexes pour accompagner les personnes les plus en difficulté ;
- d'acteurs de la démocratie sanitaire.
Dans sa conclusion, Michel Laforcade suggère la mise en place d'un comité de pilotage et de suivi national consacré à cette nouvelle politique. Un conseil suivi par Marisol Touraine qui a, concomitamment à l'installation du Conseil national de la santé mentale, annoncé la création prochaine d'un tel comité de pilotage de la psychiatrie.
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