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Lors de la huitième journée scientifique de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale des Hauts-de-France (F2RSM) ce 11 octobre, sur le thème "La recherche en psychiatrie, à quoi ça sert ?", le Dr Claire-Lise Charrel* a présenté les résultats de l'étude Mopsy. Une étude qui porte sur la mortalité en 2013 des personnes hospitalisées en psychiatrie en 2008 et 2009 en Nord-Pas-de-Calais. Il apparaît qu'au 31 décembre 2013, 1 445 des 14 037 patients de la cohorte étudiée étaient décédés, soit 10,3% d'entre eux, pour un taux de mortalité quatre fois supérieur à la moyenne régionale. Cette surmortalité est particulièrement marquée chez les jeunes patients et notamment chez les jeunes femmes entre 25 et 34 ans, puisque leur indice comparatif de mortalité est quinze fois plus élevé que la moyenne régionale toutes populations confondues. Pour les hommes de la même classe d'âge, il est douze fois supérieur à la moyenne régionale. Information troublante, 54% des décès ont lieu moins d'un an après le dernier jour d'hospitalisation. En rapportant ce chiffre au taux de décès précédemment cité, c'est donc plus de 5% des personnes hospitalisées en psychiatrie dans le Nord-Pas-de-Calais entre 2008 et 2009 qui sont décédées dans l'année suivant leur sortie d'établissement.
Les causes externes plus fréquentes chez les jeunes
Les "causes externes", en grande majorité des suicides, sont beaucoup plus fréquentes que sur l'ensemble de la population régionale. Et plus particulièrement là encore chez les jeunes femmes, l'indice de comparatif de mortalité étant 35 fois supérieure à la moyenne régionale, toutes populations confondues. C'est ici deux tiers des décès qui ont lieu dans l'année suivant le dernier jour d'hospitalisation. Sur l'ensemble des patients étudiés, le taux de décès pour cause externe est onze fois supérieur à la moyenne régionale. Ces morts représentent 31% de l'ensemble des décès étudiés.
Les décès pour causes naturelles sont, là encore chez les jeunes patients, bien plus élevés qu'au sein de l'ensemble de la population du Nord-Pas-de-Calais, avec sept fois plus de décès chez les patients de 18 à 44 ans que dans l'ensemble de la population. Il s'agit pour l'essentiel de pathologies pulmonaires, cardiovasculaires ou tumorales. À partir de 45 ans, la différence s'estompe au fur et à mesure que l'âge augmente. Ces décès représentent 68,5% des décès relevés par cette étude. Et là aussi, ils ont lieu pour moitié d'entre eux dans l'année suivant le dernier jour d'hospitalisation."Lors de l'entrée en psychiatrie, les patients sont vus par un somaticien, mais à leur sortie ?" interroge Claire-Lise Charrel, qui appelle à plus de synergie entre psychiatrie et médecine générale et MCO. Pour l'ensemble des patients étudiés, les décès pour causes naturelles sont trois fois plus nombreux que pour la population régionale.
Une probabilité cumulée de décès plus fortes pour les addictions
Globalement, la probabilité cumulée de décès des hommes est plus élevée que celle des femmes. De 6% pour les premiers, deux années après l'hospitalisation, elle est de 4% pour les secondes. À quatre ans, elle atteint 10% pour les hommes et 6,5% pour les femmes. En fin d'étude, à 71 mois, elle est de 14% pour les hommes et de 9% pour les femmes. Cette même probabilité cumulée de décès est beaucoup plus forte chez les personnes hospitalisées pour des troubles liés aux addictions, puisqu'elle atteint 17% en fin d'étude, alors qu'elle oscille entre 8,5% et 11,5% pour les autres diagnostics principaux.
Claire-Lise Charrel déplore que ces chiffres soient proches de ceux de sa première étude réalisée en 2011, portant sur la mortalité des personnes hospitalisées en psychiatrie à l'échelle du département du Nord. Si à périmètres différents les comparaisons sont difficiles, les tendances s'avèrent similaires : en 2011, cette précédente étude avait mis en relief une prévalence des maladies pulmonaires trois fois supérieure chez les personnes hospitalisées en psychiatrie. Elle était de deux fois supérieure pour les maladies cardiovasculaires et 1,5 fois supérieure pour les cancers.
Méthodologie de l'étude Mopsy
L'étude porte sur neuf établissements, généraux ou spécifiques à la psychiatrie, de l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais : établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise (Saint-André-lez-Lille, Nord), EPSM des Flandres (Bailleul, Nord), EPSM Lille-Métropole (Armentières, Nord), EPSM Val de Lys-Artois (Saint Venant, Pas-de-Calais), CH de Douai (Pas-de-Calais), CH de Denain (Nord), CH de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), CH de Valenciennes (Nord), CH Saint Vincent-de-Paul (Lille).Elle prend en compte les patients ayant eu au moins un diagnostic psychiatrique et une hospitalisation en psychiatrie entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009 et évacue l'ambulatoire.Elle exclut les mineurs ainsi que les personnes n'ayant pas de domicile fixe dans la région.Les chiffres ont été obtenus auprès des départements d'information médicale (DIM), rapportés à ceux de l'Institut national de la statistique et études économiques (Insee) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
* Psychiatre au sein de l'établissement public de santé mentale de Lille Métropole, à Armentières (Nord)
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