Un rapport de l’INSERM remis en juin à la Direction générale de la Santé conclut à un intérêt thérapeutique de l’hypnose dans un nombre limité de ses indications, tout en soulignant le peu de risques qu’elle entraîne. Au-delà de ces constats, les chercheurs ont pointé la possible inadéquation des méthodes classiques d’évaluation.
L’intérêt pour l’hypnose médicale est aujourd’hui indéniable, tant du côté des patients que des praticiens qui peinent d’ailleurs à trouver des places dans des DU et DIU qui ne sont pour l’heure pas reconnus par l’Ordre des médecins. L’équipe de l’INSERM qui a été chargée d’évaluer l’efficacité de cette pratique de médecine complémentaire rappelle qu’elle reste, en France, extrêmement hétérogène et que le terme d’hypnothérapeute n’est protégé par aucun texte officiel. Il en va de même pour les formations, réservées pour certaines aux professionnels de santé, alors que d’autres sont ouvertes à tout le monde.
L’étude dirigée par le Pr Bruno Falissard, directeur de recherche à l’INSERM, et menée par Juliette Gueguen, médecin de santé publique, a tenté d’évaluer l’efficacité de cette thérapie dans plusieurs pathologies. Les données de 52 essais cliniques contrôlés randomisés de plus de 100 sujets ont été analysées de même que celles de 17 essais concernant l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), une technique de désensibilisation et reprogrammation par mouvements oculaires.
Un intérêt thérapeutique dans certaines indications
La littérature confirme l’intérêt thérapeutique de l’hypnose dans la prise en charge du syndrome du côlon irritable : des séances régulières d’hypnothérapie limitent les symptômes digestifs. Concernant l’hypnosédation pendant des examens de chirurgie et radiologie interventionnelle (extraction de dents de sagesse, biopsies mammaires, interventions transcatheter, etc.), le rapport indique que « bien que les études ne permettent pas de statuer sur une majorité des critères retenus (intensité douloureuse, anxiété, effets secondaires indésirables, ainsi que durée et coût de l’intervention), les résultats concordent sur la consommation de médicaments antalgiques ou sédatifs : grâce à l’hypnose, l’usage de ces médicaments est réduit durant l’intervention ».
En revanche, aucune donnée actuelle ne permet de conclure à un intérêt de l’hypnose dans la majorité de ses autres applications, soit : la prise en charge de la douleur pendant l’accouchement, la prévention de la dépression post-partum, la schizophrénie, le sevrage tabagique et les soins dentaires chez l’adulte et l’enfant. Toutefois, « aucun effet indésirable grave ne paraît attribuable à l’hypnose » même si « on ne peut pour autant exclure l’existence de tels événements indésirables, mais s’ils existent, leur incidence est relativement faible », soulignent les chercheurs.
Repenser l’Evidence Based Medecine
Au-delà des résultats factuels, l’étude souligne en creux le besoin d’adapter les méthodes d’évaluation : « Cette analyse nous montre que l’hypnose marche un peu, qu’elle entraîne très peu d’effets secondaires, mais que ce n’est assurément pas une révolution thérapeutique. Pour autant, ces conclusions entrent en conflit direct avec les retours de nombreux patient », souligne le Pr Falissard. Alors, d’où vient cette discordance ? « Les essais randomisés ont permis de faire des progrès considérables et il n’est pas question de les remettre en question », prévient le Pr Falissard. Il estime cependant qu’il est « peut-être temps d’introduire plus de souplesse dans ce qui est devenu un totem de l’Evidence Based Medecine », sous peine de « passer à côté de quelque chose ». Pour les auteurs, il est ainsi « particulièrement important que des études qualitatives, analysant le bien-être des patients, soient prises en compte pour déterminer ce qu’ils ont vécu subjectivement pendant leur prise en charge ».
Benoît Thelliez
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