Le syndrome du « cœur brisé » est en train de livrer ses secrets, et il n’est pas à prendre à la légère, selon une étude internationale, publiée dans la revue New England Journal of Medicine du 3 septembre. Il ne s’agit pas de psychologie mais de cardiologie.
Décrit pour la première fois en 1990 par des Japonais, le « syndrome du cœur brisé » – ainsi dénommé car il semble souvent déclenché par un choc émotionnel – est une défaillance cardiaque aiguë qui touche principalement les femmes ménopausées. Peu fréquente, elle est aussi connue sous le nom de « takotsubo » (« piège à pieuvres », en japonais), en référence aux anomalies cardiaques observées lors de cette atteinte transitoire du myocarde.
A l’époque des premières descriptions, cette pathologie aux symptômes proches de ceux d’un infarctus du myocarde était considérée comme bénigne. Mais les travaux menés par Christian Templin (université de Zurich) et ses collègues, à partir d’un registre international, constatent que le takotsubo est associé à un pourcentage non négligeable de complications et de mortalité dans les années qui suivent. Le taux de décès – toutes causes confondues – est de 5,6 % par patient et par an ; celui d’accidents cardiaques ou cérébro-vasculaires, de 9,9 % ; ce qui est du même ordre qu’après un infarctus.
Le registre international du takotsubo, établi à Zurich, fonctionne avec 25 autres centres cardio-vasculaires répartis dans huit pays d’Europe (dont la France) et aux Etats-Unis.
Au total, les chercheurs ont recensé 1 750 patients ayant reçu un diagnostic de takotsubo entre 1998 et 2014. Une large prédominance féminine (89,8 %) est retrouvée, comme dans les études précédentes menées dans des pays occidentaux, avec un âge moyen de 66 ans.
Douleurs thoraciques
Les douleurs thoraciques, présentes dans trois quarts des cas, sont de loin le symptôme le plus habituel ; suivies par un essoufflement (chez 46,9 % des malades), et une syncope dans 7,7 % des cas. Contrairement aux premières descriptions du syndrome, des facteurs déclenchant d’ordre émotionnel (chagrin, deuil, peur, conflit personnel, colère…) se révèlent finalement moins fréquents que des causes physiques (contexte d’insuffisance respiratoire aiguë, d’intervention chirurgicale ou de traumatisme…) : 27,7 % contre 36 %. Mais aucun événement stressant n’est mis en évidence chez près d’un malade sur trois.
En comparant un échantillon de cette cohorte à 455 patients atteints d’un infarctus, Christian Tremplin et ses coauteurs observent par ailleurs que plus de la moitié des patients avec un takotsubo (55,8 %) ont des antécédents ou un contexte d’atteinte neurologique ou psychiatrique, contre 25,7 % chez ceux avec un infarctus. Il s’agit par exemple d’épilepsie, de traumatisme crânien, d’accident vasculaire cérébral, d’anxiété ou encore de dépression.
« Ces résultats suggèrent un lien potentiel entre des troubles neuropsychiatriques et la cardiomyopathie du takotsubo qui devrait susciter des études prospectives », écrivent les chercheurs. Ils confirment aussi que l’électrocardiogramme et les tests sanguins (dosage de la troponine) ne suffisent pas à différencier infarctus et syndrome du cœur brisé. Une angiographie coronaire ou une IRM sont indispensables. « Actuellement, le takotsubo reste un diagnostic d’élimination, et c’est une pathologie encore mal connue, d’où l’utilité de ce registre, qui permet de conduire des travaux de recherche », souligne le docteur Clément Delmas (cardiologue, CHU de Toulouse), coauteur de l’étude. Ainsi, poursuit-il, « le traitement actuel fait appel à des médicaments de l’insuffisance cardiaque, les bétabloquants et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, qui ont pour but d’aider à passer le cap, mais c’est empirique. On constate d’ailleurs que plus de 20 % des patients qui déclenchent un takotsubo prennent déjà des bétabloquants, ce qui suggère que ces molécules ne sont pas très efficaces ».
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