L’opportunité de mettre en place une "expérimentation" de maisons de naissance en France est discutée depuis au moins une décennie. Cette année 2015 pourrait voir ce projet ardemment soutenu par un grand nombre de sages-femmes enfin se "concrétiser". Un décret précisant les modalités de cette expérimentation a été publié le 1er août dernier : le 6 décembre devrait voir lancés les premiers essais, qui seront sans doute peu nombreux. Depuis toujours, les obstétriciens se sont montrés hostiles à l’idée de voir se développer de tels espaces, s’inquiétant notamment de risques accrus pour la sécurité des patientes. Loin des déclarations polémiques, le docteur Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens français (SYNGOF) revient pour nous sur ce sujet délicat, en en rappelant la genèse et les enjeux (la sécurité de la naissance, l’émancipation des sages-femmes…), en soulevant différents points d’achoppement peu évoqués (la rémunération des sages-femmes, leur assurance en responsabilité civile) et en soulignant que ce sujet, très médiatisé, masque d’autres préoccupations plus prégnantes.
Par le Docteur Bertrand de Rochambeau, Président du SYNGOF
Les sages-femmes et la sécurité de la naissance
Le caractère indispensable du rôle joué par les sages-femmes dans le monde de la santé des femmes est un truisme qui a du mal à être reconnu par tous. Ce paradoxe trouve son origine dans l’histoire de la médecine et dans la place des femmes dans notre société. En France, longtemps indépendantes, les sages-femmes sont passées sous l’autorité des accoucheurs au cours de la deuxième partie du 20ème siècle, avec la naissance de l’obstétrique médicalisée du monde moderne qui se pratique dans les maternités. Cela a défini les conditions de la sécurité de la naissance.
Comment est née l’idée des maisons de naissance
En France où les résultats périnataux et de mortalité maternelle ne sont pas les meilleurs d’Europe, la sécurité est un sujet sensible. L’évolution des conditions de la naissance, depuis la fin du siècle dernier se fait vers une concentration de l’offre : 1757 maternités en 1972 à 535 en 2010, au double motif de la sécurité et des coûts de structure. On voit se développer de « super-maternités » qui accouchent plus de 3000 femmes annuellement. Ici se concentre le progrès médical et technologique appliqué à la naissance. Cette évolution n’a laissé que peu de place, dans bien des structures mais pas dans toutes, à l’intimité, à l’accueil des familles, au déroulement physiologique du travail de l’accouchement qui sont l’esprit des maisons de naissance. Les résultats périnataux stagnent en France depuis 2005. Les données de la Cochrane révèlent que cet interventionnisme produit une iatrogénie mesurable. La demande de structures dédiées à l’accouchement normal est minoritaire en France, comme dans les pays qui l’ont adopté il y a des années.
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