Dans
l’espace public, univers masculin, les gueules d’anges peuvent se
transformer en démons et vous voler ce que vous avez de plus précieux,
en toute impunité.
19 heures, Avenue Laumière, Paris 19e, la nuit vient à peine de
tomber. Sur la longue avenue silencieuse, un trentenaire élancé, gueule
d’ange, polo blanc et pantalon cintré, se dirige, le pas assuré, vers la
bouche de métro. Ce bonhomme, à qui l’on donnerait le bon Dieu sans
confession, a plus d’un tour dans son sac. Il manie à la perfection
l’art de la perfidie. Le mâle fourbe, balançant tranquillement ses
jambes courtes et sèches sur l’asphalte, se jette, tout à coup, sur une
proie femelle et n’en fait qu’une bouchée. Ce soir-là, pas un chat. La
femme, qui aura eu la malchance de le croiser, n’est réduite qu’à un
corps à palper. En un quart de seconde, la douce et lente ballade de la
jeune femme s’achève brutalement.
Elle se retrouve dans les bras du doux perfide, qui passe avec
ardeur, ses mains rêches et abîmées sur son corps chevrotant. Le souffle
court, consumé par son désir, il parcourt son corps et presse avec
énergie ses seins, puis ses fesses, puis son ventre. La boucle est
bouclée. Ce soir, l’ange a laissé son masque au vestiaire. Le démon
s’est érigé en maître de cérémonie du spectacle de l’humiliation
sexuelle sexiste. Sans même crier gare, ses mains tentaculaires ont
colonisé son espace vital, sa chair, ses entrailles, sa dignité, son
intégrité. Ce soir-là, ce corps est entré dans le domaine public. Ce
soir-là, le trentenaire concupiscent a consommé puis s’en est allé.
Comme on teste une cerise au marché du coin pour s’assurer de son goût
sucré et acidulé. Comme on palpe une prune ou une nectarine chez le
primeur un dimanche matin ensoleillé. La marchandise prête à
l’emploi, le consommateur s’est donné les pleins pouvoirs de la goûter.
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