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mercredi 2 septembre 2015

Entre colo et colloque, la rentrée des profs militants

LE MONDE |  | Par 


Au congrès de l'Icem-pédagogie Freinet, le 21 août à Aix.


Chaque année, à partir de la mi-août, des enseignants appartenant à différents mouvements pédagogiques se réunissent pour des stages ou rencontres d’été, où leurs débats préfigurent souvent les enjeux de la prochaine rentrée scolaire. Une rentrée qui pourrait être tendue, après les vives controverses suscitées ces derniers mois par les réformes du collège et des programmes.

Officiellement, ces mouvements, tous membres du Collectif des associations partenaires de l’école (CAPE), ont approuvé la réforme du collège et assument cette position. Mais leurs adhérents sont plus partagés : les principes de cette réforme leur conviennent, pas toujours la méthode suivie pour les promouvoir. La sensibilité dominante parmi ces militants privilégie plus les changements fondés sur le volontarisme des équipes – « faire en sorte que ceux qui veulent bouger puissent le faire », dit l’un d’eux – que les réformes « clés en main » s’imposant à tous. En revanche, les projets de nouveaux programmes, qui ont alimenté d’infinies polémiques au printemps, semblent leur convenir et ne sont pas au centre de leurs discussions.

Une autre ligne de partage sépare les optimistes, qui espèrent encore que la « refondation » du système éducatif engagée en 2012 aura eu le temps de s’installer dans les faits avant l’échéance présidentielle de 2017, et les fatalistes, nombreux, qui s’apprêtent à se replier sur leur classe en faisant le gros dos.

Leurs rencontres estivales, « ni colo ni colloque », relève une participante (mais un peu des deux quand même), ne mobilisent physiquement qu’une frange du monde enseignant : des dizaines ou des centaines de participants selon les circonstances. Mais c’est une minorité active, qui pèse au long cours dans les débats sur l’enseignement et dont chacune des composantes plonge ses racines dans l’histoire de l’éducation nationale.


Ateliers et détente





Au congrès de l'Icem-pédagogie Freinet, le 21 août à Aix.


Il en va ainsi du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (CRAP), qui publie la revue Cahiers pédagogiques, créée en 1945. Cette association de 450 adhérents, qui se caractérise par l’abondance et la qualité de sa production éditoriale, associant enseignants de terrain et chercheurs, a réuni une centaine de personnes du 18 au 23 août dans un centre des Maisons familiales rurales à Saint-Barthélemy-d’Anjou (Maine-et-Loire) sur le thème « travailler ensemble à une école plus juste ».

Durant six jours, les participants ont alterné conférences, ateliers et détente. Michel Develay, professeur émérite à Lyon-II, a livré ses réflexions sur la difficulté à « donner du sens » aux savoirs scolaires. Sylvain Connac, figure de la pédagogie Freinet, a animé un atelier sur le travail des élèves en petits groupes, plus précisément sur les façons de l’organiser de sorte qu’il ne soit pas « pire que le pire cours magistral ». Ces militants se montrent attentifs aux limites ou contradictions possibles de leurs propres doctrines.

« Ce que j’aime, dit Stéphanie, 40 ans, qui exerce dans une classe de maternelle et de CP de l’Aude, c’est les échanges avec des enseignants ou formateurs de tous les niveaux scolaires et une réflexion qui ne se limite pas à des techniques particulières. » Comme ses collègues Claire, 31 ans, professeure en sciences de la vie et de la terre dans un collège d’Auvergne, ou Sandra, 42 ans, qui enseigne le français en Seine-Saint-Denis, Stéphanie s’est engagée dans ce réseau associatif pour rompre l’isolement et par soif de développement professionnel.


« Former des futurs citoyens »





Au congrès de l'Icem-pédagogie Freinet, le 21 août à Aix.


Changement d’échelle : aux mêmes dates s’est tenu à l’université d’Aix-en-Provence le 52e congrès de l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM) - Pédagogie Freinet. Diffusée dans le monde entier, la pédagogie Freinet constitue un système détaillé, cohérent, faisant « entrer la vie dans la classe » pour y puiser les occasions d’enseignement et offrant une série d’outils adaptés à toutes les matières étudiées. De ce fait, le mouvement est focalisé sur les pratiques de terrain, au risque d’oublier parfois ses racines révolutionnaires, regrette son actuel président, Jean-Charles Huver, enseignant à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes).

Fondée en 1947 par Célestin Freinet lui-même, l’ICEM regroupe aujourd’hui environ 2 500 adhérents. A Aix, les 600 congressistes alternent déambulation joyeuse et impressionnante concentration lors des ateliers, où personne n’aurait l’idée de sortir un téléphone portable. Cette ruche confirme la réalité d’un net rajeunissement. « Il n’y a pas que le style collier de barbe et sandales, on croise plein de jeunes dans les ateliers, c’est vivifiant », se réjouit Béatrice, enseignante spécialisée auprès d’adolescents en grande difficulté à Redon (Ille-et-Vilaine). Frédérique, professeure des écoles à Dinan (Côtes-d’Armor), se dit motivée par l’idée de « former des futurs citoyens, pas des moutons ». Ces jeunes femmes désapprouvent l’emploi par le gouvernement du « modèle descendant » dans la mise en œuvre de la réforme du collège.

Les militants pédagogiques sont souvent impliqués dans les mouvements d’éducation populaire, avec lesquels ils partagent une même vision des enjeux éducatifs. Créés en 1937 après le Front populaire, les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Ceméa) sont un des piliers de l’éducation populaire, avec environ 3 500 membres actifs et encartés. Les 700 participants au 11e congrès, qui s’est tenu à Grenoble du 17 au 23 août, ont été salués par un message vidéo de la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, les remerciant de leur appui. Comme le CRAP-Cahiers pédagogiques et l’ICEM, les Ceméa soutiennent publiquement la réforme du collège. Ce qui n’est pas sans créer quelques tensions internes, certains adhérents étant aussi membres du SNES-FSU, principal syndicat des professeurs du secondaire, lancé, lui, dans une bataille résolue contre cette réforme. Les rencontres estivales ne réduisent pas les divisions du monde éducatif.

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