L’essentiel est, paraît-il, invisible pour les yeux. Sans doute, n’est-ce pas entièrement vrai en astronomie, une discipline où tout, ou presque, dépend de la lumière. Des premières découvertes réalisées à l’aide de la lunette de Galilée aux données sophistiquées obtenues par le satellite Planck, le rayonnement électromagnétique émis par les astres, à différentes longueurs d’ondes, est à la base de la majeure partie de nos connaissances sur l’Univers, sur ses caractéristiques actuelles comme sur son histoire. Les photons qui le constituent sont-ils pour autant les seuls à même de livrer une information sur le cosmos ? A lire l’ouvrage de Pierre Binétruy, on réalise que ce n’est probablement pas le cas. Professeur au laboratoire Astroparticule et cosmologie de l’université Paris-Diderot, du CNRS et de l’Observatoire de Paris, ce physicien est le responsable français de LISA (Laser Interferometry Satellite Antenna), une ambitieuse mission en cours de définition à l’Agence spatiale européenne (ESA). A l’instar d’autres expériences conduites à travers le monde, LISA vise à tester, à partir de 2034, l’une des prédictions de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein : l’existence d’ondes gravitationnelles.
Dans l’un de ses écrits datant de 1918, le célèbre savant fait une hypothèse audacieuse : il affirme que tout déplacement d’une masse dans l’Univers doit, s’il est conduit de manière asymétrique, engendrer une « vague » qui se propage à la vitesse de la lumière à travers le cosmos. Une « onde » qui, précise-t-il, dilaterait une portion de l’espace sur son passage, puis la rétrécirait, avant de lui laisser reprendre sa taille initiale. Le but de LISA, dont le démonstrateur LISA Pathfinder sera lancé l’automne prochain depuis la base de Kourou (Guyane), est de réussir à détecter pour la première fois, grâce à une flottille de trois satellites placés dans le sillage de la Terre, l’une de ces perturbations de l’espace-temps dont une propriété singulière est de faire varier la distance entre les objets.
Un saut de géant
En dix chapitres, Pierre Binétruy explique en quoi la mise en évidence de cet effet constituerait un saut de géant pour l’astronomie. Au-delà de la confirmation qu’elle apporterait à une théorie formulée voici cent ans, une telle découverte ouvrirait la voie à un nouveau mode d’observation de l’Univers, non plus basé sur l’analyse de la lumière nous parvenant du ciel mais sur celle des ondes gravitationnelles qui nous traversent. Toute une série de phénomènes – objets célestes ou structures primordiales – inaccessibles aux plus puissants télescopes actuels deviendraient ainsi discernables. Cela permettrait aux scientifiques non seulement de les étudier en détail, mais également d’appréhender, à travers la constatation de leurs variétés, les diverses manières dont se manifeste la « gravitation ». Cette « radiation serait la plus répandue dans l’Univers », selon l’auteur. Une clé pour la compréhension de sa nature intime, qui échappe encore aux physiciens.
A la poursuite des ondes gravitationnelles, de Pierre Binétruy (Dunod, 256 p., 19 €).
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