Si notre société avait été plus tolérante avec les déviances sexuelles - non dans le sens de les autoriser mais de les comprendre afin de mieux les gérer -, elle en aurait peut-être fini avec les crimes odieux qui les accompagnent.
Si nous avions admis que les êtres humains ne sont pas maîtres de leurs désirs et que certains ont la chance de pouvoir accorder leurs jouissances avec la loi et d’autres non, nous aurions pu faire en sorte que ces derniers soient satisfaits sans que cela coûte la vie ou la santé physique ou mentale de tant de victimes.
Une telle société aurait mis en place des dispositifs fantasmatiques efficaces (comparables aux médicaments qui remplacent les drogues) afin que les pervers n’aient pas besoin de passer à l’acte dans la réalité. Elle aurait investi beaucoup de moyens pour développer une pornographie de synthèse sur mesure, si raffinée et efficace, que les pervers trouveraient satisfaction à tous leurs fantasmes sans avoir besoin de s’en prendre à des personnes réelles.
Loin de ne concerner que la vue, cette nouvelle pornographie pourrait aussi agir sur le toucher. Ainsi, les créatures virtuelles pourraient provoquer des sensations les plus réalistes qui soient.
Une telle société bâtirait des centres fantasmatiques de synthèse ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les pervers de toutes sortes pourraient non seulement assouvir leurs désirs mais aussi se griser des nouvelles idées, discuter avec d’autres anormaux qui leur ressemblent.
A ceux qui objecteront qu’un tel système de remplacement du réel par le fantasme ne serait efficace qu’à un prix très élevé on pourrait leur opposer que les longs emprisonnements des criminels sexuels ainsi que la souffrance qu’ils provoquent coûtent évidemment beaucoup plus chers. Sans compter que le développement de cette nouvelle pornographie pourrait rendre caduque la prostitution, et satisfaire, ainsi, les revendications de ceux qui dénoncent ce métier au nom de l’instrumentalisation des femmes. Cette nouvelle technique de production de plaisirs pourrait en outre combler de ses bienfaits les solitaires, les timides, ceux qui, pour des raisons physiques, psychologiques ou d’âge, ont fini par renoncer à la sexualité.
Car dans notre paradigme du consentement - présenté pourtant comme la forme la plus juste de la sexualité -, non seulement les pervers sont exclus mais aussi tous ceux qui ont des difficultés pour trouver des partenaires. Grâce à la nouvelle pornographie, on pourrait maintenir le paradigme du consentement mais seulement entre personnes réelles, tout serait permis entre ces dernières et les êtres virtuels.
Malheureusement, le seul message que nos sociétés envoient à ceux qui sont nés avec des désirs sexuels antisociaux est l’abstinence, s’ils ne veulent pas passer leur vie en prison. Même la pornographie est criminalisée quand elle met en scène des actes que la loi punit. Elle n’est pas conçue comme un dispositif de compensation aux désirs déviants des pervers. Elle aussi, doit être mise au service de ceux qui ont la chance d’être normaux.
Le nombre grandissant de détenus pour crime et délit sexuel montre que cette logique excluante, mise en place depuis plusieurs décennies, dans l’ensemble des pays démocratiques, est inopérante. Elle n’évite ni les meurtres ni les viols et autres violences. Chaque jour, elle provoque de terribles drames et la population finira par exiger qu’on applique à ces criminels la peine de mort. Quelle autre solution peut-on espérer quand certains sont dans l’incapacité de transformer la nature de leurs pulsions et que la récidive semble inéluctable ?
Alors, pourquoi traiter différemment ces malades du sexe, ne pas les considérer comme d’autres malades atteints de handicaps physiques ou mentaux ? Notre société ne cesse de s’adapter aux demandes des gens «différents» pourquoi ne devrait-elle pas en faire de même avec les pervers sexuels ?
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