SOUS LA ROBE
"Je jure, comme avocat, de tenir ce blog avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité… Sans oublier humour et impertinence (pourvu que ça dure)."
14/03/2015
La « PermCompa » (comme on dit chez nous), c’est le moment où l’avocat se retrouve catapulté, sans ménagement, dans la violence à l’état pur avec pour seule protection, le droit ; et pour seule arme de défense, son humanité.
Cette définition qui peut paraître pompeuse n’engage évidemment que moi, mais je sais qu’elle est partagée par certains confrères, souvent les meilleurs.
La journée de PermCompa, c’est une journée durant laquelle le commis d’office côtoie la violence de la misère humaine, celle qui ronge les vies par tous les côtés :
- la violence de la délinquance elle-même qui ne fait évidemment pas dans la dentelle (âmes sensibles s’abstenir) ;
- la violence des réquisitions des parquetiers qui représentent à ce moment- là les intérêts d’une société le plus souvent intransigeante ;
- la violence de la justice qui ne donne que rarement au prévenu l’impression d’avoir été assez entendu avant le prononcé de la sentence ;
- la violence de la procédure pénale d’urgence qui juge sans délai des prévenus encore hagards à l’issue d’une garde à vue à peine levée ;
- la violence enfin de la permanence qui dure rarement moins de douze ou quatorze heures, et durant laquelle le corps et l’esprit du dévoué baveux sont en alerte permanente.
Cette violence, qui est surtout celle dans laquelle est plongé le justiciable, ferait aisément naître un sentiment de persécution chez n’importe quel prévenu sain d’esprit : l’impression que le sort s’acharne sur vous, que personne ne vous entend et que le monde entier est contre vous.
Le dossier de monsieur I.
Que dire alors du paranoïaque pathologique croisé au détour d’une comparution immédiate ?
9h30, ce jour-là, l’arrivée se fait sur les chapeaux de roue : deux jeunes recrues passent leur tutorat. Seule « senior » de perm (le pire, c’est justement que je ne le suis pas, juste un bébé avocat en robe de vieille), je récupère tout ce qui tombe. Sept dossiers déjà et peut-être d’autres en préparation dans le bureau du procureur.
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