Alors que plusieurs mouvements de grève sont annoncés pour la fin décembre parmi les médecins libéraux et dans les cliniques privées pour protester contre le projet de loi santé, Les Echos ont annoncé, dans leur édition du 5 décembre, que la ministre de la santé, Marisol Touraine, serait prête à lâcher du lest.
Olivier Véran, député PS de l’Isère et rapporteur de ce projet de loi santé dont l’examen est programmé début 2015, réagit aux concessions et avance quelques propositions.
Marisol Touraine serait prête à revenir sur l’interdiction des dépassements d’honoraires des établissements privés voulant obtenir le label « service public hospitalier ». Cette interdiction avait en partie motivé l’appel à la grève dans les cliniques privées qui craignaient à terme de se voir « exclu [es] de la carte hospitalière », notamment en ne bénéficiant plus de « financement des missions de service public ». Fallait-il bouger sur ce point ?
Olivier Véran : L’idée de départ est tout simplement de permettre à l’hôpital public de s’appeler un hôpital public, appellation dont la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) de 2009 l’avait spolié. Il est possible de le faire sans rien ôter aux établissements associatifs et privés s’agissant de leur rôle essentiel dans l’offre de soins dans les territoires.
Les choses étaient à reformuler. Ce qui importe, c’est que le patient puisse toujours avoir le choix de son établissement et de bénéficier, s’il le souhaite, d’un parcours de soins à tarif opposable [sans dépassement d’honoraires]. Si une réécriture de cet aspect de la loi permet de conforter un système de santé qui tienne sur ses deux jambes, publique et privée, je m’en réjouirais.
Les médecins libéraux se montraient inquiets du poids donné aux agences régionales de santé (ARS) pour organiser l’offre de soins localement, par la mise en place d’un « service territorial de santé » et dénonçaient une « étatisation » du système. Dans ce cadre, le ministère pourrait donner plus de « prérogatives » aux professionnels. Y êtes-vous favorable ?
A l’évidence, le terme de « service », parce qu’il renvoie soit à l’idée d’un service militaire donc autoritaire, soit à un service public exclusif, donc excluant les médecins libéraux, gagnerait à être retravaillé. L’appeler par exemple « contrat territorial » permettrait de lever le malentendu.
L’idée est d’encourager, d’accompagner les acteurs de terrain dans leurs démarches pour mieux travailler ensemble, au service des patients, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Combien d’expérimentations réussies s’essoufflent faute de moyens pérennes ? Combien d’idées ne voient jamais le jour faute d’interlocuteur capable de soutenir les projets ? Laissons place à l’initiative des acteurs !
Rien n’est dit concernant le tiers payant généralisé, pourtant un des principaux points de la contestation chez les médecins libéraux. Selon vous, la ministre devrait-elle lâcher du lest sur cette question ?
Les études montrent que bien des patients sont susceptibles de renoncer à des soins pour des raisons financières. Nombre de nos voisins ont pour ces raisons adopté un système de tiers payant intégral.
Personne ne nie qu’en France, les médecins font évidemment attention à leurs patients les plus en difficulté financière, en différant l’encaissement d’un chèque, par exemple.
Ce que permet le tiers payant généralisé, c’est la systématisation et l’automatisation de la dispense d’avance de frais pour tous les patients. La ministre s’est engagée à un dispositif rapide, simple, et sûr.
Je n’ai pas envie qu’on échoue sur des modalités de mise en œuvre. Mettons en place toutes les garanties possibles et imaginables pour montrer aux médecins que cela marche. Je suis par exemple, et à titre personnel, favorable à des pénalités en cas de retard de paiement par la caisse d’assurance-maladie, ainsi que pour un interlocuteur unique pour les médecins.
Si on procédait à une montée en puissance de ce tiers payant généralisé, je fais le pari que l’ensemble des médecins, confortés par la bonne expérience des premiers utilisateurs, seront vite demandeurs d’en faire bénéficier tous leurs patients. Un peu à l’image de la généralisation de la carte Vitale, elle aussi très décriée à l’époque.
Le texte de la loi santé sera-t-il reporté comme le réclame l’ordre des médecins ?
A ce stade, je ne dispose pas d’information précise et il ne me revient de toutes façons pas de vous répondre, mais il ne me paraîtrait pas aberrant, dans la mesure où la concertation se poursuit, de se donner un peu de délai. Janvier est si vite là !
Cette loi santé est une chance pour notre système de santé. Elle porte en elle des réformes structurelles ambitieuses au service du mieux soigner. La partie prévention-éducation à la santé dont je suis le rapporteur est porteuse de nombreuses avancées de santé publique. Les usagers, et leurs associations, attendent cette loi. A nous de gagner la confiance des professionnels. Le président de la République s’y est déjà employé lors de sa récente intervention devant l’ordre des médecins.
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