DOCUMENTAIRE
Arte diffuse samedi le portrait de deux accros aux opiacés du Vermont que la réalisatrice a connu dans sa jeunesse.
Michael et Jennifer sont cousins et toxicos. Ces trentenaires vivent dans le Vermont, Sophie Nivelle-Cardinale les a connus petits, quand elle habitait dans leur famille. La réalisatrice est revenue l’été dernier dans cet Etat du Nord-Est américain pour les filmer pendant trois mois, et montrer une réalité aussi funeste que méconnue par chez nous : les Etats-Unis connaissent une «épidémie» autour de l’usage de l’héroïne.
A l’échelle du pays, le nombre de consommateurs a doublé en cinq ans et 114 personnes meurent chaque jour d’une overdose due aux opiacés (héroïne et médicaments). C’est, avec plus de 41 500 morts en 2012 (le chiffre a doublé par rapport à 1999), la première cause de décès accidentels aux Etats-Unis. Pour comparer, en France, on en comptait 340 en 2011. Une moitié est causée par l’héroïne, l’autre vient de l’abus de médicaments sur ordonnance, principalement des antidouleurs très puissants. Responsables de 16 000 décès, ces painkillers, indisponibles en France, servent souvent de porte d’entrée à l’héroïne : un médecin vous en prescrit, vous devenez accro, puis passez à l’héro.
«Priorité». Ainsi, Jennifer, 31 ans, a «commencé l’héroïne car elle était moins chère que les médocs» sur le marché noir. Elle tente de vivre de façon équilibrée, mais ce n’est pas gagné : parfois, elle disparaît. Un temps, elle n’a plus eu le droit de voir seule ses trois enfants. Excédé par son comportement, le père des enfants l’avait dénoncée à la justice pour négligence.
Michael, 30 ans et 14 cures de désintoxication derrière lui, se shootait vingt fois par jour. Il a fait de nombreux allers-retours en prison, pour des fraudes à la carte bancaire notamment. Père d’un garçon de 6 ans, Michael dit qu’il a arrêté l’héro, mais reste accro au traitement de substitution, et il en bave. «Si j’avais eu un enfant quand je prenais de l’héroïne, l’héroïne aurait été ma priorité», avoue-t-il. Heureusement, sa famille est là. «Mais on est toujours inquiets, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7», dit son père. «Il ne peut pas prendre de décision par lui-même, explique sa mère. Il est cramé. Il est juste pas là. Il n’est plus capable de réfléchir.»
Phénomène. Aux Etats-Unis, l’héroïne et les antidouleurs font plus de morts que les accidents de voiture chez les 15-64 ans. Et la population touchée vient surtout des classes moyennes - comme Michael et Jennifer. Contrairement à l’héro d’il y a quarante ans, pure à 5% ou 10% et plutôt injectée, la poudre est désormais à 40%, voire 60% de pureté et sniffée, selon la procureur spéciale pour les stupéfiants à New York, Bridget Brennan. Concernant l’abus d’analgésiques, 12 millions d’Américains, ados et adultes, y sont accros. Dans le Vermont, le gouverneur a décrété la lutte contre ce phénomène cause prioritaire pour 2014.
Entrant avec respect et humanité dans l’intimité des deux cousins, le docu décrit au plus près les tourments causés par la dépendance chimique. Avec cette crainte finale : beaucoup, dans leur famille, appréhendent qu’ils n’atteignent pas leurs quarante ans.
Héroïne : le cauchemar américain docu de Sophie Nivelle-Cardinalesur Arte, samedi à 18 h 35.
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