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vendredi 27 septembre 2013

Marchand contre philosophe, l'éternelle controverse

LE MONDE | Par 
"Et le marché devint roi", d'Olivier Grenouilleau. Flammarion, 239 pages, 18 euros.
Attention ! Ne surtout pas s'arrêter au titre et au texte de présentation sur la jaquette du livre. Il ne s'agit pas ici de la énième "dénonciation" des horreurs du capitalisme et du marché mondialisé, mais d'un riche essai historique dont l'objectif est de montrer la permanence et l'universalité du débat qui oppose, depuis son apparition dans les sociétés humaines, les critiques et les défenseurs de l'économie marchande.
Débat dont les considérations actuelles sur la moralisation ou la régulation du capitalisme financier, ou au contraire sur son efficacité et son inéluctabilité, ne sont que les avatars contemporains.
L'auteur, aujourd'hui titulaire de la chaire d'histoire à Sciences Po Paris, avait publié en 2004 Les Traites négrières. Essai d'histoire globale(Gallimard) – livre controversé dans la mesure où il insistait sur le caractère "marchand" de la traite plutôt que sur ses aspects immoraux et ses terribles effets humains.

CONTRE-CRITIQUE
Dans ce nouvel essai, Olivier Grenouilleau saute d'une époque à l'autre – du néolithique à la crise de 2008 –, d'une civilisation à l'autre – de la Grèce antique aux royaumes javanais des XVIIe et XVIIIe siècles, pour montrer que, de tout temps et sous toutes les latitudes, le marché – c'est-à-dire l'échange organisé de biens ou de services – et les capitalistes – définis ici comme les acteurs de ce marché, – ont existé, mais également, à l'instar de l'anthropologue américain David Graeber (auteur du récentDette. 5000 ans d'histoire, Les Liens qui libèrent), que ces échanges marchands ont toujours cohabité avec d'autres formes d'échanges et de liens sociaux.
Il montre ensuite que le marché et les capitalistes ont toujours fait l'objet de critiques de tous ceux – philosophes, religieux, intellectuels – qui les accusent d'entraver, par l'appât du gain et les conflits qu'ils déclenchent, l'élévation des communautés humaines vers le bien et la paix.
Il montre aussi que marchands et capitalistes ont toujours produit une contre-critique visant d'une part à légitimer leur existence, d'autre part à énoncer des "lois propres" (de la divine providence aux lois mathématiques de l'économie contemporaine) justifiant leur fonctionnement autonome vis-à-vis du reste de la société.
Cette démonstration, dont l'érudition n'exclut pas la lisibilité, ne résistera peut-être pas à la critique scientifique, tant elle embrasse en peu de pages des univers historiques, géographiques et conceptuels divers. Mais c'est le propre d'un essai. Et celui-ci a le mérite de replonger les pugilistes du débat contemporain – "ultralibéraux" comme "altermondialistes" – le nez dans le terreau de leurs racines.


Et le marché devint roi, d'Olivier Grenouilleau. Flammarion, 239 pages, 18 euros.

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